On accuse souvent l’Europe d’imposer des réglementations trop contraignantes, et ce dans tous les secteurs. C’est parfois le cas, mais ce serait aussi oublier que Bruxelles et Strasbourg prennent aussi des décisions qui visent à protéger les consommateurs. Et donc aussi les automobilistes. C’est précisément le cas de la nouvelle norme R117-04 qui entre actuellement en vigueur et qui concerne les pneus de voitures. En particulier, cette mesure édicte une nouvelle procédure pour les tests d’homologation. Et ça devrait tout changer.
In fine, cette réglementation devrait permettre de produire de meilleurs pneus, car ils dureront plus longtemps et ils couteront de ce fait moins cher aux automobilistes. Quand on sait qu’un pneu d’une dimension courante coûte déjà 100 euros, sans compter les frais de montage et d’équilibrage, on comprend tout de suite mieux l’impact que cette directive peut avoir.
De quoi s’agit-il ?
Concrètement, la norme R117-04 stipule que les pneus doivent désormais conserver les mêmes performances neufs que lorsqu’ils sont usés jusqu’au témoin de remplacement (1,6 mm). Cette performance sera mesurée par un test de freinage sur sol mouillé, au cours duquel la voiture testée devra freiner de 80 à 20 km/h, sur une piste recouverte d’un millimètre d’eau.
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Cette nouvelle réglementation va donc obliger les manufacturiers de pneus à accorder une attention particulière à la cohérence et à la qualité de leur produit sur le long terme, tant au niveau de la conception que de la production. Par conséquent, les pneus qui sont parfois considérés comme trop usés (ou trop proches de la limite d’usure) devraient pouvoir être utilisés plus longtemps. Désormais, le seul repère qui doit compter pour décider ou non d’un remplacement doit être la limite d’usure et donc le témoin de profondeur de la sculpture (1,6 mm). Cette limite est d’ailleurs facilement mesurable au moyen d’une pièce d’un euro enfoncée dans une rainure. Si le bord extérieur devient invisible, la bande de roulement est encore suffisante. Cela dit, le test de la pièce d’un euro ne vaut que pour les pneus été. Pour les pneus hiver, l’exercice dit être fait avec une pièce de 2 euros, légèrement plus grande, car il y a ici nécessité d’une profondeur de sculpture plus importante
Du lobbying
Une étude du fabricant de pneus Michelin, un des leaders mondiaux du pneu, montre qu’aujourd’hui en Europe, la moitié des pneus sont remplacés beaucoup trop rapidement. Ils finissent donc à la décharge, alors qu’ils présentent encore une profondeur de sculpture de 3 mm et qu’ils devraient en principe se montrer suffisamment performants pour continuer à être utilisés. Michelin estime ainsi que si les automobilistes peuvent utiliser leurs pneus jusqu’au bout, on pourrait produire 128 millions de pneus neufs en moins chaque année. C’est une sacrée économie, à la fois pour la planète (ressources), mais aussi d’un point de vue économique pour les automobilistes puisqu’ils éviteront de dépenser environ 7 milliards d’euros. Et pour les émissions de CO2, cet allongement de la durée de vie est également une bonne nouvelle avec une économie estimée à 6,6 millions de tonnes.
Même si cela peut sembler paradoxal – puisque pour les manufacturiers, c’est autant de pneus en moins à fabriquer et donc à vendre –, Michelin s’est réjoui de l’entrée en vigueur de cette nouvelle norme. Pourquoi ? En réalité, l’entreprise de Clermont-Ferrand milite auprès des autorités de Bruxelles depuis des années pour l’adoption de cette réglementation, essentiellement parce que c’est le modèle que défend l’entreprise depuis plusieurs années – le concept de Total Performance. De ce fait, Michelin est prêt pour cette nouvelle norme, ce qui lui donnera probablement aussi un avantage décisif sur le marché. Pour rappel, Michelin reste l’un des manufacturiers les plus actifs en matière de recherche et de développement avec 1,2 milliard investi chaque année.
Il faut se souvenir d’ailleurs que c’est déjà Michelin qui avait été à l’origine avec son lobbying de l’introduction du fameux étiquetage pour les pneus. Le label (assimilable à ce qu’on connaît pour les produits électroménagers par exemple) devait (et doit toujours) indiquer la longévité, les performances en freinage, la résistance au roulement ainsi que le niveau sonore du pneu. Là encore, il s’agissait pour Michelin – mais aussi Continental, Bridgestone ou Goodyear qui défendaient aussi l’idée – de démontrer la qualité de ses produits alors même que les pneus coréens et chinois commençaient à affluer sur le marché. Ceci explique donc cela.
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