Essais auto

ESSAI BMW Série 5: victime de ses géniteurs

Une nouvelle berline BMW est toujours un événement très attendu. Vous-mêmes êtes peut-être très impatients de « savoir ». Nous l’étions aussi !

Laurent Zilli Laurent Zilli | Publié le 29 déc. 2016 | Temps de lecture : 19 min

Si vous êtes un fan inconditionnel de la marque, passez tout de suite votre chemin ! Enfin non, pas tout de suite finalement… Car il convient d'abord de définir “fan inconditionnel”. Il y a les fans actuels, que le blason à l'hélice bleue fait rêver pour ce qu'il représente en termes de statut, de prestige et pour qui tout ce que fait BMW est ce qu'il y a de mieux. Le genre de fan qui vous incendie sur les réseaux sociaux quand vous écrivez que vous préférez une nouvelle Audi ou une Mercedes. Le fan qui regarde en boucle sur Youtube des vidéos de M3 sur le Nürburgring et est persuadé que son Active Tourer, c'est un peu pareil. Celui-là ne va pas aimer ce qui suit !

Mais d'autre part, il y a le fan inconditionnel qui connaît son histoire de l'automobile. Il sait par exemple que la réputation sportive de BMW est née très tôt et que la 328 de l'entre-deux-guerres était son premier coup d'éclat. Il sait que la 507 des années 50 fut un échec amer, mais fut aussi l'un des plus remarquables roadsters jamais créés. Il sait que la marque en déroute a été sauvée dans les années 60 par la Neue Klasse, dont sont issues les 1602, 2002 puis Série 3, celles qui ont définitivement – du moins jusqu'à aujourd'hui – et plus durablement que la 328 donné à BMW son image, celle de constructeur de berlines à la fois qualitatives et, surtout, plus sportives et savoureuses que ses rivales. Ce fan-là sait que BMW a construit son succès en rendant accessible la performance et le plaisir intense de la conduite. Il sait que dès la version d'entrée de gamme, il allait prendre son pied au volant. Il sait que quand BMW lui promettait quelque chose, la promesse était tenue. Toujours. Ce fan-là, aujourd'hui, il se demande ce qu'on a fait de sa marque fétiche. Et la nouvelle Série 5 ne va pas arranger son sentiment d'être orphelin !

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Excellente. Et alors ?

Ne vous méprenez pas, la nouvelle Série 5 est une excellente voiture. La qualité de construction, le souci du détail qui caractérise la finition, de l'habitacle au coffre en passant par de petits joints placés entre les phares et le capot par exemple, tout cela est même particulièrement impressionnant ! L'accord onctueux entre les moteurs et les boîtes est exceptionnel. Tout est par-fait ! Sauf un truc. Il n'y a aucune saveur à la conduite. Si on remonte deux ou trois générations en arrière, que ce soit pour la 3 ou pour la 5, et même pour la 7, ce plaisir était immédiat. Pas besoin d'aller chercher la limite, on avait instantanément le sentiment d'être dans quelque chose de spécial. Même avec le moteur de base. Une 316 des années 80 était une vraie boule de nerfs. Une 525 des années 90 vous faisait ressentir le caractère de sa mécanique dès 50 km/h. Il ne reste rien de cela aujourd'hui. Il reste de la performance, certes. Des 0 à 100 officiels peut-être plus flatteurs que ceux de la concurrence. Mais la performance ne fait pas la sensation. Une Peugeot 308 GTI par exemple est infiniment plus enthousiasmante qu'une 125i Sportshatch. Vous voulez des sensations ? OK, BMW en a aussi pour vous. Mais préparez votre oseille parce qu'il va falloir payer pour un M sur le coffre. Et encore, la M4 est réputée pour n'être que l'ombre un peu lourde et bourgeoise des M3 Coupé qu'elle a remplacées. Puisqu'on en parle, voici un exemple de plus de la façon dont la marque se fiche de son patrimoine. La M3 Coupé était l'un des noms le plus emblématiques de l'histoire de l'automobile. Pourquoi l'avoir tué ? Comme pour le reste. Parce que BMW se fiche de ce qui a fait son histoire, sa gloire, son patrimoine. Elle se fiche d'avoir construit son succès sur des voitures qui mettaient performances et plaisir au-dessus de la moyenne à la portée de (presque) tous. Sa devise aujourd'hui est “Vous aimez ça ? Payez !”.

Y en a marre

Tout cela ne serait pas grave si la marque annonçait la couleur, revendiquait son changement de cap avec sincérité. Mais pas du tout. Elle continue à nous vendre son âme sportive et le plaisir qu'on en retire. Un peu comme Porsche (à qui on peut faire le même genre de reproches, même pour la dernière génération de 911, NDLR), elle continue à présenter chacun de ses produits comme la référence absolue en matière de dynamisme, et désormais aussi en matière de technologie, d'aides à la conduite. Elle ne présente pas seulement les choses ainsi au public, via la publicité, mais aussi à nous, lors des conférences de presse ! à se demander si c'est de l'inconscience, une méconnaissance totale du marché, ou du cynisme pur et simple. Quelques exemples entendus pas plus tard que mi-novembre à la conférence de presse Série 5 ?

“La nouvelle Série 5 établit de nouveaux standards en dynamisme parmi les grandes berlines”. Faux, la Jaguar XF a établi ces standards et la Série 5 ne s'en approche même pas. Peu importe qu'elle ait perdu 100 kilos par rapport à sa devancière et soit donc plus légère que la XF, peu importe qu'elle puisse disposer (mais c'est plus cher) d'un train arrière directionnel que la Jaguar n'a pas. La 530d que nous avons essayée, dont le 6 cylindres 3.0 turbo diesel lâche 265 chevaux et 620 Nm (contre 300ch et 700Nm pour la Jaguar) a beau être plus rapide de quelques dixièmes que l'anglaise au 0 à 100, elle ne peut que rêver de relances aussi phénoménales, d'une direction aussi incisive, précise et communicative. Et pire encore, alors que la Jaguar est plus lourde, c'est elle qui procure un sentiment de légèreté !

Autre exemple : “La nouvelle Série 5 est une référence en matière technologique”. Encore faux. Prenons les systèmes de conduite semi-autonome, qui permettent d'engager le cruise control à radar en même temps que la surveillance d'angle mort à correction de cap active, et de lâcher le volant pour laisser la voiture se débrouiller. Pour le fun. BMW annonce avoir considérablement augmenté le temps de “lâcher de volant” autorisé par le système. J'ai essayé et après 10 secondes, la voiture me demande de reprendre le volant. Dans la Mercedes Classe E, ce temps est de 30 secondes et un effleurement du volant relance un nouveau cycle de 30 secondes. Dans la Mercedes, si vous n'avez pas pris les choses en main au bout d'une minute, la voiture suppose un malaise du conducteur, active les feux de détresse et ralentit progressivement jusqu'à l'arrêt complet. Dans la Série 5, les systèmes se désactivent purement et simplement et si on ne réagit pas, la voiture part dans le décor !

Encore une petite couche de “référence technologique” ? La Série 5 adopte le système inauguré par la Série 7, lui permettant de s'insérer dans un garage ou une place de parking étroite sans que le conducteur soit à bord. Elle peut le faire en ligne droite. La Classe E peut également se passer de son conducteur, mais exécutera des manœuvres complexes (marche avant, braquage, marche arrière, braquage de l'autre côté et ainsi de suite).

Est-ce que les ingénieurs et/ou les types du marketing qui préparent leurs exposés ne savent pas ce genre de choses  ? Ne savent-ils pas que nous savons ? Nous prennent-ils pour des idiots ou sont-ils tellement convaincus de leur supériorité qu'ils n'imaginent pas que d'autres fassent mieux qu'eux ? Comme quand, au lancement de la Z4, ils nous avaient expliqué qu'elle était le seul roadster à toit rigide escamotable du marché, faisant comme si la Mercedes SLK et la Mazda MX-5 (alors disponible en version CC) n'existaient pas?

Allez, encore une petite vraiment hilarante, pour la route. Voyez cette photo d'un détail du flanc de la nouvelle 5, cette arrête qui court le long des vitres latérales. Le designer nous a expliqué que cette caractéristique serait uniquement pour la Série 5 et qu'elle contribuait (c'est là que c'est drôle)… à différencier encore plus les Séries 3, 5 et 7. Faut oser, quand-même. Comment l'assistance n'a pas éclaté de rire est un mystère. Peut-être parce qu'elle était de trop mauvaise humeur, après qu'un constructeur sportif ait, sur 30 minutes de speech, parlé royalement deux minutes des évolutions du châssis et évoqué à peine plus longtemps l'arrivée de la M550i sans préciser de quel moteur elle allait tirer ses 467 chevaux.

Y'en a vraiment marre, Béhème ! Marre de votre autosatisfaction, de votre fatuité. Marre que vous capitalisiez sur des valeurs qui ne sont plus les vôtres. Et surtout marre de vos voitures dans lesquelles on s'ennuie. Refaites honneur à votre badge et à votre histoire, de grâce !

Avis unanime

Sachez-le : même si vous n'avez encore lu aucun article comme celui-ci sur cette auto, ce sentiment n'est pas celui d'un passéiste rabique qui a une dent contre un constructeur en particulier. Ce sentiment est partagé par la grande majorité des journalistes automobiles. C'est ce que nous nous disons, entre collègues, quand nous devisons de la production automobile actuelle autour d'un verre. Ce sont les mêmes regards un peu fatalistes que nous échangeons lorsque nous essayons une nouvelle munichoise qui n'a pas un M collé à son coffre. C'est la même exaspération qui nous prend quand on est forcé d'écouter les exposés pleins d'autocongratulation basée sur rien. ça peut vous étonner, vous qui êtes pleinement satisfait de votre munichoise, qui pensez avoir entre les mains ce qui se fait de mieux en matière de berline sportive. Mais nous, journalistes, nous essayons à la louche entre 80 et 100 voitures par an, nous avons la chance de pouvoir comparer et le constat est là : les BMW d'aujourd'hui, de la Série 1 à la Série  7, à l'exception peut-être de la Série 2 coupé (et nous préférons oublier le monovolume et les SUV), les voitures de la marque ne tiennent pas la promesse de plaisir qui vous est faite.

Conclusion

La Série 5 vous plaît ? Foncez, c'est une excellente voiture, achetez-la. Mais pour les bonnes raisons. La sportivité, le plaisir physique de conduire et le caractère ne font pas partie de ces raisons. Ni pour la Série 5, ni pour les autres BMW « non-M » actuelles !

+

Qualité de fabrication impressionnante

Accord moteurs-boîte parfait

Silence, confort de marche

Et tout le reste

Sensations quelconques

Nouvelles technologies en retard

La 530d en quelques chiffres

Moteur : 6 cyl. en ligne, turbo diesel, 2.993cc, 265ch à 4.000tr/min, 620Nm de 2.000 à 2.500tr/min

Transmission : aux roues arrière

Boîte : auto 8 rapports.

L/l/h (mm) : 4.936/1.868/1.479

Poids à vide (kg): 1.640

Volume du coffre (l) : 530

Réservoir (l) : 66

0 à 100 km/h (sec.) : 5,7

Prix : 59.900€ TVAC

Puissance : 265 ch

V-max: 250 km/h

Conso mixte : 4,5 l/100km

CO2 : 118 g/km

Autres motorisations

530i : 252ch; 5,5 l/100km; 250 km/h, 54.400 € TVAC

540i : 340ch; 6,5 l/100km; 250 km/h, 61.650 € TVAC

520d : 190 (ou 163) ch; 4,2 l/100km; 238 km/h; 47.950 € TVAC

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