Enquête : le marché de la voiture électrique biaisé en Europe ?

Le marché de la voiture électrique est-il biaisé en Europe et les constructeurs forcent-ils la main aux clients en n’offrant que des voitures chères à grosses marges ? C’est le constat que semble dresser l’organisme Transport&Environment qui constate que le prix moyen des voitures électriques a augmenté de +39% chez nous depuis 2015 alors qu’il a baissé de -53% en Chine.

Publié le 20 février 2024
Temps de lecture : 4 min

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Enquête : le marché de la voiture électrique biaisé en Europe ?

On le sait : les voitures électriques restent trop chères pour les automobilistes de la « classe moyenne ». Car tout le monde ne peut pas mettre 50.000 euros ou plus pour une voiture à batterie un tantinet familiale. Le prix reste donc un frein à l’achat et à la diffusion des voitures électriques. Du côté des constructeurs, l’argument mis en avant réside toujours dans le prix des batteries et de la technologie nécessaire aux voitures électriques. Mais ce serait faux si l’on en croit une enquête de l’ONG Transport&Environment (T&E). Pour l’organisme, les constructeurs européens auraient depuis des années biaisé le marché des voitures électriques, préférant limiter leur offre à de gros véhicules très rémunérateurs.

T&E avance que depuis 2015, « le prix moyen d’une voiture électrique a augmenté de +39% [soit + 18.000 euros], alors qu’en Chine, celui-ci a chuté de -53% » tandis que le marché des voitures électriques compterait aussi deux fois moins de petits modèles que de gros véhicules comparativement au marché des modèles thermiques. T&E note que « seulement 17% des voitures électriques vendues en Europe sont des véhicules compacts du segment B, moins cher, contre 37% pour les modèles thermiques ». Ainsi, 28% des ventes de voitures électriques s’effectuent dans le segment D (grandes berlines), contre 13% pour les nouvelles voitures à moteur à combustion.

Contre une démocratisation ?

Pour Transport&Environment, « cette stratégie d’électrification par le haut de gamme des constructeurs freine la démocratisation de la voiture électrique. » Et l’organisme de dénoncer que « nous n’avons toujours pas assez de modèles électriques accessibles et adaptés aux besoins du cœur de marché. Plus grave encore, cela abîme l’image de la voiture électrique dans l’opinion publique, qui est encore trop souvent perçue comme un produit de luxe. »

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T&E pointe que cette stratégie profite aux constructeurs dont les profits se sont envolés ces dernières années, preuve que, malgré les investissements colossaux, la voiture électrique est très rentable. Bien entendu, les petites voitures électriques sont en arrivage : Citroën ë-C3, Renault R5, Fiat Panda électrique, etc. Mais ce ne serait pas suffisant pour l’ONG qui estime que l’offre de petites voitures électriques plafonnera en 2024 en Europe à 42.000 unités. Trop peu sur un marché qui comptabilise 10 millions de voitures chaque année.

L’automobiliste piégé ?

Dans ce contexte, T&E estime que le consommateur lambda est tout simplement piégé : il doit d’une part abandonner sa voiture thermique dans les villes, mais n’a plus les moyens de se payer une automobile en phase avec des prescriptions de l’Europe. Bref, l’automobiliste est donc hors-jeu et condamné à subir. T&E estime que le moment est charnière et que c’est à présent qu’il faut basculer vers une production de voitures électriques abordables de masse. Et l’organisme estime que les pouvoirs publics doivent jouer un rôle en subventionnant cette transition. Et il appelle à ce que l’Union européenne prenne des mesures plus fortes, notamment en utilisant le levier de la voiture de société pour accélérer la transition. C’est déjà le cas chez nous, mais pas dans les autres pays.

Transport&Environment a-t-il raison de pointer ces manquements et cette manipulation ? Pas vraiment en fait, car l’organisme oublie sans doute le béaba des processus industriels qui veut que ce soit par les modèles (ou produits) haut de gamme que l’innovation percole, précisément parce qu’elle est impayable au départ et que ce sont les plus nantis qui peuvent l’adopter. En outre, il n’aura échappé à personne que les constructeurs européens ont accumulé un retard important par rapport à la Chine pour ce qui concerne la voiture électrique. Ils n’ont donc pas eu d’emblée la puissance industrielle pour rivaliser et donc baisser leurs prix. Enfin, d’un point de vue pratique, il semble aussi totalement contre-productif de diffuser à large échelle des technologies nouvelles qui ne sont pas encore toujours bien maîtrisées, au risque de voir poindre aussi des pannes à grande échelle et de dégoûter définitivement les clients. IL faut donc relativiser. Oui, la transition est en marche, mais ne dit-on pas que Rome ne s’est pas construite en un jour ?

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Par David Leclercq Rédacteur automobile

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