La transition vers la voiture électrique est confirmée. Le Parlement européen a en effet avalisé la proposition de la Commission européenne le 9 juin 2022 qui prévoit l’arrêt total des ventes de voitures thermiques au 1er janvier 2035. Deux exceptions sont toutefois envisagées : elles concernent à la fois les marques qui produisent moins de 10.000 voitures par an pour lesquelles l’échéance est repoussée d’un an (1er janvier 2036) ainsi que les voitures de luxe produites en très petite série (moins de 1.000 exemplaires) et qui pourraient encore fonctionner avec un moteur thermique jusqu’à une date encore indéterminée.
Cette décision pose toutefois un certain nombre de questions. Résignés, les constructeurs sont aussi évidemment inquiets, car pour assurer la transition, il ne suffit pas de mettre plus de voitures électriques sur le marché. Il faudrait en effet que celles-ci soient abordables, probablement un peu plus performantes (autonomie et recharge) que ce qu’elles sont actuellement, que le réseau de recharge soit à la hauteur tandis que, industriellement, il faudrait aussi être sûr que les matières premières seront disponibles en suffisance. Or rien n’est moins sûr.
Contresens écologique
Dans cette incertitude, certaines voix s’élèvent et notamment celle de l’essayiste et ancien professeur de génie électrique, Maxime De Blasi qui s’est exprimé dans une tribune sur le média Marianne.net. Pour lui, la voiture électrique serait un contresens écologique, mais aussi une future catastrophe sur le plan social.
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L’homme en question estime en effet qu’il est totalement illusoire de penser que la voiture électrique contribuera à limiter le réchauffement climatique, car sa part sera marginale. Il l’estime (ou l’estimait, car nous avons déjà relayé ses propos) à seulement 1% de la réduction des émissions à effet de serre tandis qu’elle posera aussi de gros problèmes en matière environnementale en raison des matières premières et de leur traitement pour les batteries.
Pour Maxime De Blasi, c’est limiter l’usage de la voiture en général qui serait plus productif, car cela constituerait un début de solution pour désengorger les routes et les agglomérations déjà saturées. Or c’est bien dans ces espaces urbains que l’avenir va se jouer. Et qu’il faut un point de levier. Maxime De Blasi relève que chaque année, c’est 1 million de voitures électriques qui sont vendues dans l’Union européenne et que l’objectif est de dépasser les 15 millions à l’horizon 2035. Or, ce sont déjà 300 millions de voitures thermiques qui sont en circulation actuellement, un volume important et qui sera toujours opérationnel (ou en grande partie) d’ici 13 ans.
Des émissions plus élevées qu’annoncé
Le reproche que Maxime De Blasi fait aux euro députés, c’est de ne pas avoir pris en considération le cycle global de la vie de la voiture électrique, mais seulement ses émissions officielles lorsqu’elle est en circulation, c’est-à-dire 0 g/km de CO2. Or, cette vision serait complètement erronée, comme l’indique d’ailleurs un calculateur en ligne luxembourgeois imaginé par le Luxembourg Institute of Science and Technology et qui compare les émissions de tous les modèles thermiques et électriques. À l’usage, il montre, en fonction du mix énergétique de chaque pays, que les émissions des modèles électriques atteignent malgré tout entre 25 et 50% de celles d’un modèle thermique. On est donc loin des 0%.
De ce fait, en prenant l’exemple de la France, Maxime De Blasi – qui semble-t-il est le seul à avoir fait le calcul – estime que les émissions de gaz à effet de serre (CO2 dans ce cas-ci) ne diminueront que de 1% par an, car le parc de voiture électrique à partir de 2035 ne représentera que 5% du total, le tout dans un secteur routier dont la croissance est de 2% par an. Car n’oublions pas que ce ne sont que les voitures particulières qui sont aujourd’hui concernées par cette interdiction. Les camions ou engins civils lourds ne sont pas concernés.
Pourquoi ? L’auteur ne traite pas ce sujet, mais c’est parce que les camions électriques à batteries ne sont pas encore au point ou, s’ils le sont, ils restent peu performants (poids, autonomie, masse de matières premières) et trop chers pour être compétitifs. Pour ceux-là, l’hydrogène reste potentiellement une solution si on désire passer à un véhicule (relatif) « zéro émission », mais, encore une fois, ni l’infrastructure ni le marché n’est mature tandis que les prix restent eux aussi très élevés.
Quel coût environnemental ?
Maxime De Blasi expose aussi ses craintes quant au pillage en ressources que la transition vers la voiture électrique représente. Selon ses calculs, une voiture électrique nécessite de 250 à 600 kg de batterie, ce qui représente 6 millions de tonnes de batteries pour 15 millions de voitures par an. Et on ne parle encore que de l’Europe.
En outre, il faut aussi compter avec les composants électroniques qui sont en nombre dans les voitures électriques, ce qui pèse aussi sur l’environnement. Reste aussi la question de l’exploitation des ressources qui ne se trouve actuellement pas en Europe et qui impacte aussi l’environnement (terres agricoles) et s’avère gourmande en énergie.
Plus grave encore pour De Blasi, le recyclage des batteries serait aussi un non-sens écologique, car avec seulement 1.000 à 1.500 cycles de charge/décharge envisageables, l’essayiste estime qu’il ne s’agit que d’un « décyclage », car 50% des composants ne sont actuellement pas recyclés. Ce qui laisse supposer qu’un gros travail sur la filière est encore nécessaire.
En outre, on peut aussi se poser la question des territoires versés dans le démantèlement de nos objets électroniques (donc nos futures automobiles) et qui crouleront sous les déchets en n’ayant pas la capacité de les absorber. Pour De Blasi, « leur recyclage à 100 % promis par l’UE est une utopie, alors que plus des trois quarts des plastiques et 80 % des déchets électroniques ne sont toujours pas recyclés ! »
Quel coût social ?
Enfin, l’essayiste se penche sur les conséquences sociales de cette transition vers la voiture électrique qui coûtent deux fois plus cher que les voitures thermiques à l’heure actuelle en raison de leur batterie et de leur électronique embarquée. Pour l’essentiel, la croissance des ventes des voitures électriques est aujourd’hui le résultat de lourdes subventions équivalentes même à 25% du coût d’une voiture (ce n’est pas le cas en Belgique toutefois, sauf si on considère le mécanisme de déductibilité pour les indépendants et les sociétés).
Maxime De Blasi se pose dès lors la question de ces dépenses publiques pharaoniques et il estime que leur financement n’est pas soutenable, car en France, cela représenterait, en 2035 et pour 2 millions de voitures annuelles, 1% du budget annuel du gouvernement, soit 10 milliards d’euros. Si cette perspective n’est pas soutenable dans le temps, ça signifie qu’elle devra être réduite ce qui, par effet domino, fera croître les inégalités entre les couches de la population.
Quelle est la solution dès lors ?
Pour Maxime De Blasi, cela doit venir d’une révision profonde de la mobilité qui mise davantage sur le partage des engins de déplacement, en d’autres termes, du covoiturage ou de la location courte durée. Le spécialiste estime en outre qu’une majorité de voitures passe sa vie à l’arrêt (on l’estimait il y a peu à 80% du temps de vie d’une automobile). Or, ce n’est qu’en roulant beaucoup que la voiture électrique permet effectivement de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Il faut donc privilégier cette stratégie et les destiner prioritairement à ceux qui roulent beaucoup – comme le secteur du fret, des taxis, les services de livraison, etc. – « pour lutter efficacement contre les concentrations d’ozone et les pics de pollution de l’air, plutôt que de gaspiller ainsi l’argent public en pure perte, ou presque. C’est encore cela ce que j’appelle « écologie stratégique » où consommateurs, planète et producteurs sont gagnants » indique encore Maxime De Blasi.
De Blasi estime que la validation des euro députés a sans doute été un peu rapide et que la réflexion sur le sujet n’est pas suffisante. En toute logique rappelle l’essayiste, la voiture la plus écologique est celle qu’on ne produit évidemment pas ou que l’on conserve le plus longtemps possible. Trop tard malheureusement, la transition est en marche et nous risquons d’en payer le prix, au propre comme au figuré. Et, finalement, le climat aussi rappelle Maxime De Blasi.
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