Après de nombreuses tractations, la Commission européenne a finalement plié face à l’Allemagne, ténor de l’industrie automobile en Europe et accompagnée de quelques autres pays dans sa démarche (Italie, Pologne, etc.) Concrètement, l’Allemagne menaçait de bloquer le texte d’interdiction des voitures thermiques au 1er janvier 2035 si plusieurs aménagements n’avaient pas lieu, dont celui de pouvoir continuer à utiliser des moteurs thermiques au-delà de cette date, mais pour autant que ceux-ci soient alimentés avec des carburants synthétiques climatiquement neutres en carbone.
L’accord (de principe) trouvé, il faudra voir maintenant comment les choses s’organisent. Car, l’Allemagne n’a pas encore gagné son bras de fer : il lui faudra en effet encore négocier les conditions d’utilisation de ces carburants synthétiques au risque de voir leur champ d’utilisation réduit au strict minimum, ce qui, en toute logique, n’est pas l’objectif des autorités et de l’industrie allemandes.
Des carburants pas si nouveaux
Mais qu’entend-on exactement par carburant synthétique ? S’agit-il d’une nouvelle trouvaille et nécessite-t-elle encore un long développement ? En fait, les carburants synthétiques ne sont vraiment pas neufs. En effet, leur apparition et leur première utilisation remontent même au siècle dernier. Il s’agissait simplement d’un mélange d’hydrocarbures non dérivés du pétrole et obtenus à partir d’autres sources telles de la houille, le lignite ou encore le gaz naturel. Pour la petite histoire, l’essence synthétique fût pour la première fois produite à grande échelle lors de la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’industrie chimique allemande peinait à approvisionner l’armée et l’aviation allemandes.
Bien évidemment, lorsqu’on part de charbon ou de gaz naturel, le bilan environnemental d’un carburant synthétique est plutôt désastreux, car le procédé de fabrication est de surcroît très énergivore. On pourrait se demander dès lors pourquoi l’Europe autoriserait ce type de carburant ? Mauvaise question sans doute et, réponse évidente : depuis quelques années, l’enjeu du carburant synthétique est de le produire avec une étape de captation du carbone, ce qui permet du coup de le rendre neutre puisqu’on considère que ce qu’on retire d’un côté (dans l’atmosphère par exemple), on peut le rejeter de l’autre (en le brûlant dans un moteur), ce qui revient en fait à une opération neutre en carbone, à condition toutefois d’utiliser de l’électricité verte lors de la production.
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Comment fabrique-t-on des e-fuels ?
Le processus de fabrication des carburants de synthèse est évidemment assez complexe, car il nécessite deux matières premières dont l’une est tout aussi complexe et énergivore à produire : l’hydrogène. En effet, l’hydrogène n’existe pas à l’état naturel et il doit donc être fabriqué, le plus souvent au moyen d’hydroliseurs (par électrolyse de l’eau) et si possible avec de l’énergie renouvelable pour que la production soit en phase avec les exigences environnementales – on parle alors d’hydrogène vert.
La deuxième matière première des e-fuels, c’est le CO2 qui est quant à lui capté dans l’atmosphère, soit à partir de rejets de l’industrie, soit par un procédé de captation qui est alors plus énergivore. Les deux ressources combinées permettent de créer du méthanol, donc de l’e-fuel. A noter qu’en fonction du procédé de transformation du CO2, les carburants obtenus varient : e-kérosène pour l’aviation, e-Diesel ou e-essence.
Vraiment neutre ?
Les e-fuels sont considérés comme des carburants « neutres », puisqu’ils sont censés rejeter la même quantité de CO2 que celle captée pour les produire. Il n’aggraverait donc pas la situation pour le réchauffement climatique (en toute celle générée par le CO2 des transports), tandis qu’il ne polluerait pas plus. En tout cas, sur le papier…
Car des études contestent ces affirmations. En avril 2021, l’organisation environnementale T&E indiquait dans une étude que les carburants de synthèse permettraient de réduire de 70% l’empreinte carbone, comparée aux carburants composés de pétrole. Bon, ce n’est donc pas complètement neutre, mais c’est déjà un pas en avant, mais qui ne serait pas applicable aux rejets polluants toutefois qui seraient jugés comme catastrophiques.
Une autre étude menée par le même organisme indique en effet que, lorsqu’elle est brûlée, l’essence synthétique produit près de trois fois plus de monoxyde de carbone qu’un carburant pétrolier, mais aussi beaucoup de particules fines tandis que le niveau de rejet des oxydes d’azote (NOx) ne serait pas réduit. Ce qui laisse augurer la nécessité de nouvelles solutions de filtrage. Il est d’ores et déjà certain que de nouvelles études seront menées dans les mois à venir et qu’elles alimenteront largement le bras de fer Commission-Allemagne pour fixer les modalités d’utilisation des carburants de synthèse.
Assez de carburants synthétiques pour tout le monde ?
En attendant plus de précisions, la solution des e-fuels reste donc séduisante et elle permettrait en tout cas d’avoir une alternative à la voiture électrique qui serait a priori plus abordable et plus flexible pour de nombreux citoyens. Car les moteurs thermiques actuels ne nécessitent aucune transformation notable pour les digérer.
Cela dit, si la solution se dessine toutefois, il reste – comme pour la voiture électrique quelque part – de sacrés défis à relever. En effet, selon les estimations, la production actuelle de carburants de synthèse ne permettrait de nourrir que 2% du parc automobile européen en… 2035 ! Ce qui signifie qu’il va falloir mettre les bouchées doubles pour industrialiser les processus de fabrication d’hydrogène vert, de captation du carbone des e-carburants. C’est donc une véritable chaîne de valeur qui est à déployer et, à nouveau, dans un temps record.
En outre, il faudra aussi que la phase d’industrialisation fasse baisser le prix des e-fuels qui coûte aujourd’hui (et encore, avec des processus « non verts ») autour de 10 dollars le litre. Et c’est pareil pour l’aéronautique : le e-kérosène est 6 à 8 fois plus cher que kérosène classique. Espérons que les économies d’échelle et la production de masse puissent faire baisser les prix. Ce que Bosch pense, estimant que le prix d’un litre de e-fuel devrait être compris entre 2 euros et 2,5 euros en 2050. C’est clair, on n’a pas fini de parler des carburants synthétiques !
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