La Fédération des constructeurs automobiles européens (ACEA) vient d’élire un nouveau président. Il s’agit du patron actuel de Renault, l’Italien Luca de Meo. Ayant travaillé chez Toyota Europe, puis chez Renault pour rejoindre ensuite successivement Fiat, Volkswagen, Audi et aujourd’hui… à nouveau Renault sur la plus haute pierre de la pyramide, l’Italien possède donc une « certaine » expérience du secteur automobile et il a pleinement conscience des défis qui sont à relever par le secteur dans les années à venir. Dans une lettre ouverte à la Présidente de la Commission européenne et la Présidente du Parlement européen – l’Allemande Ursula von der Leyen et l’Italienne Roberta Metsola –, Luca de Meo met en évidence certains points qu’il considère comme critiques de la politique européenne. Et il ne tourne pas autour du pot : des mesures doivent être prises dans plusieurs domaines.
Les menaces de la Chine et des États-Unis
« Nous devons éviter que l’industrie [automobile] ne s’éloigne de notre continent », estime Luca de Meo qui ajoute que « au cours des 20 dernières années, l’industrie automobile européenne a progressivement perdu du terrain face à ses concurrents mondiaux. Par exemple, la production et les ventes de voitures en Chine ont été multipliées par 25 depuis 2003, alors que celles de l’Europe ont diminué d’environ 25%. Les récentes décisions politiques menacent de placer l’industrie automobile européenne dans une situation encore plus défavorable vis-à-vis de ses concurrents chinois et américains. Alors que l’approche européenne se limite à édicter des règles pour limiter les émissions, d’autres régions optent pour des incitants. Les États-Unis et la Chine soutiennent et encouragent massivement leurs industries, notamment par le biais du grand plan américain la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) ou le plan Made in China 2025 (MIC). »
Luca de Meo aborde aussi notre désavantage pour ce qui concerne les matières premières. « Le passage aux voitures électriques constitue un désavantage pour l’Europe en termes de contrôle de la chaîne de valeur, notamment vis-à-vis des acteurs chinois. En 2030, seuls 5% des matières premières nécessaires à la production de batteries seront d’origine européenne », souligne-t-il encore, ce qui en dit long sur la continuité de notre dépendance. « Nous avons besoin d’un plan ambitieux et structuré pour que l’industrie automobile européenne puisse rivaliser avec les autres continents, tout en continuant à protéger et à promouvoir le libre-échange mondial. »
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Monopole technologique
Autre danger : l’Europe n’est plus indépendante sur le plan technologique. Dans le cadre du plan climatique « Fit for 55 », il est demandé (et exigé) d’ici 2035 de réduire les émissions des voitures particulières de 100%. C’est un effort bien plus important que dans n’importe quel autre secteur. Et c’est à l’industrie auto qu’il incombe d’investir pour atteindre ces objectifs tout en faisant preuve de transparence par rapport aux conséquences. Luca de Meo constate que « l’Europe est désormais la seule région géographique à abandonner l’indépendance technologique dans sa législation. Il reste à savoir si c’est là le meilleur choix à faire dans un contexte de décarbonation. Pour ce qui est des transports, il est prouvé scientifiquement que la technologie hybride rivalise aujourd’hui en termes d’empreinte carbone. »
La norme Euro 7 est un gaspi
Selon de Meo, la nouvelle norme d’émissions Euro 7 est un autre exemple de la manière dont l’Europe se complique la vie. « La récente proposition Euro 7 oblige les constructeurs de véhicules légers et lourds à investir des milliards dans les technologies de traitement des gaz d’échappement avec un gain minime pour l’environnement. Cela implique qu’il faut mobiliser et réorienter d’importantes ressources financières et humaines destinées au développement des voitures électriques vers le développement des moteurs à combustion interne. Cet argent serait mieux dépensé dans des technologies qui s’attaquent non seulement au CO2 mais aussi aux émissions polluantes », conclut l’homme fort de l’ACEA.
« Dans sa forme actuelle, la norme Euro 7 expose à des dommages industriels et économiques, tout en ayant un impact politique et social. Elle pourrait notamment conduire à la fermeture d’au moins quatre usines à court terme chez un constructeur automobile comme Renault. Sur notre continent, nous risquons les postes de plus de 300.000 personnes si la transition n’est pas gérée correctement. Cette situation souligne à nouveau la nécessité d’une coordination entre les gouvernements et l’industrie. » L’impact n’est donc pas négligeable, car aujourd’hui, 13 millions d’Européens travaillent directement ou indirectement dans l’industrie automobile, ce qui équivaut à 7% des emplois de toute l’Union.
Une meilleure infrastructure
Luca de Meo appelle en outre une nouvelle fois l’Europe à fournir une meilleure infrastructure pour les voitures électriques. « Malgré les nombreuses annonces et les progrès récents, le développement des infrastructures continue d’être à la traîne. L’industrie automobile évolue pourtant rapidement : en 2012, 10 marques automobiles proposaient un modèle électrique. Aujourd’hui, ce sont 25 marques qui disposent d’un total de 40 modèles électriques. Pourtant, ce ne sont que 2.000 nouvelles bornes de recharge publiques qui sont installées chaque semaine dans toute l’Union européenne, alors qu’il en faudrait 14.000 par semaine pour assurer une transition sereine vers la mobilité électrique. »
Des voitures électriques trop chères
Enfin, Luca de Meo plaide aussi pour une mobilité accessible à un plus large public. En raison notamment des exigences plus strictes en matière d’environnement et de sécurité, les voitures neuves deviennent de moins en moins abordables pour les citoyens aux revenus moyens. « 80% des déplacements en Europe se font en voiture. Nous ne devons pas oublier que la mobilité doit rester accessible à tous les citoyens. Certes, les coûts des batteries et de l’électricité resteront élevés, pour des raisons indépendantes de notre volonté. » Luca de Meo fustige le fait que la consommation d’électricité risque d’être fortement taxée pour compenser la perte d’autres recettes fiscales. En outre, les coûts des batteries sont définis en dehors des frontières européennes (notamment en Chine), resteront élevés, ce qui empêchera la baisse des prix des voitures électriques. Or, les incitants ou encouragements à l’achat sont déjà réduits à leur plus simple expression dans toute l’Europe pour des raisons budgétaires évidentes. » Cherchez l’erreur.
Luca de Meo souligne que « la demande de voitures électriques est insuffisante pour atteindre la masse critique nécessaire pour tenir les objectifs de transition dans les délais impartis par l’Europe. Aujourd’hui, seul 1,5% des 250 millions de voitures circulant sur les routes européennes sont 100% électriques. D’ici à 2030, ce pourcentage devrait grimper à environ 25% du parc en circulation. Mais si nous souhaitons vraiment influer sur le changement climatique, nous devrions sans doute aussi trouver des solutions pour le parc automobile existant, et ce sans limiter la mobilité des citoyens », conclut Luca de Meo.
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