On ne présente plus les hypercars de Bugatti. En bien mauvaise posture, la marque italienne a été rachetée en 1997 par le groupe Volkswagen dirigé alors par le petit-fils de Ferdinand Porsche, Ferdinand Piëch. A l’époque, il dirige le groupe Volkswagen d’une main de fer (c’est son côté beaucoup moins sympathique) et il transforme l’entreprise avec les tout premiers éléments modulaires (plates-formes, moteurs, transmissions, essieux, etc.) transposables d’un modèle et d’une marque à l’autre. Relancée à la même époque, Skoda en profitera largement.
Ferdinand Piëch qui vient d’acquérir Bugatti – il achètera aussi Bentley et Lamborghini en 1998, mais il n’arrivera pas à capter Rolls-Royce qui se retrouvera dans l’escarcelle de BMW – nourrit de grandes ambitions pour la marque italienne. Il rêve de la relancer avec une supercar (voire une hypercar) de la trempe de la dernière EB110 (1991-1995, châssis en profilés d’aluminium extrudé et collés, V12, 560 ch).
Une idée, un moteur de génie
Ferdinand Piëch est reconnu comme l'un des ingénieurs les plus influents de l'industrie automobile. Diplômé en ingénierie mécanique de l'École polytechnique fédérale de Zurich, il débute sa carrière chez Porsche en 1963 où il joue un rôle clé dans le développement de la Porsche 911 et de la légendaire 917 qui remporta les 24 Heures du Mans en 1970 et 1971. En 1972, après avoir quitté Porsche, il rejoint Audi qui est en difficulté et il y introduit des innovations majeures telles que la transmission intégrale Quattro et les carrosseries en aluminium. L’homme est rigoureux – et dur – et sa quête de la perfection a profondément marqué l'ingénierie automobile moderne.
Publicité – continuez à lire ci-dessous
Ce fut d’ailleurs le cas pour Bugatti et précisément pour le moteur W16 qui est né d’une manière tout à fait surprenante. En effet, l’idée de cette mécanique est née d’un échange entre Ferdinand Piëch et Karl-Heinz Neumann, responsable des motorisations du groupe lors d'un trajet entre Tokyo et Nagoya dans le célèbre train à grande vitesse, le Shinkansen. Piëch semble véritablement obsédé par une mécanique qui pourrait atteindre (ou dépasser) les 1.000 ch et allier performances extrêmes (400 km/h) et raffinement. Reste à trouver une voiture du groupe pour intégrer cette mécanique. Et ça ne pourra pas être la Passat (qui a accueilli pourtant un W8, dérivé).
De W18 à W16
C’est alors que Piëch dessine son idée sur une simple enveloppe et il fait le croquis qu’un moteur W18 formé de trois rangées de six cylindres disposées en « W ». Ce moteur a réellement existé à bord d’un prototype, l’EB118, doté de ce W18 de 6,3 litres, mais il développe la puissance de 550 ch. On est loin du compte. Le projet sera remis sur le métier et débouchera finalement sur la première Veyron équipée d’un W16 moins lourd et encombrant que le W18. Le W16 est composé deux blocs WR8 ouverts chacun à 15° et assemblés sur le même vilebrequin selon un angle de 87° entre leurs axes médians – et son architecture est carrée (alésage = course), ce qui favorise les hauts régimes. Il ne pèse « que » 400 kg, soit moins qu’un V12 de l’époque et pas plus que la V10 de la Porsche Carrera GT. Et le rêve de Piëch est atteint : 1.001 ch (mais en réalité plutôt 1.100) et 1.250 Nm. Le reste de la fiche technique est tout aussi superlative : transmission intégrale, boîte robotisée (de chez Ricardo), système de refroidissement de feu (pour l’éviter justement) et une vitesse maxi qui atteint effectivement les 400 km/h. C’est d’ailleurs à cette époque la voiture la plus rapide du monde avec un record homologué à 408,45 km/h.
L’histoire est étonnante et les idées les plus folles naissent souvent de réflexion jetées (littéralement) sur un bout de papier dans des situations cocasses. Comme dans ce Shinkansen il y a maintenant 25 ans. Et à part Piëch, personne n’y croyait vraiment. Sauf que c’est bien arrivé.
À la recherche d'une voiture ? Cherchez, trouvez et achetez le meilleur modèle sur Gocar.be
