Les chiffres des bénéfices engrangés par les pétroliers sont tout simplement effarants. Le Britannique BP par exemple affiche des revenus qui ont doublé à 27,7 milliards de dollars tandis que le Hollandais Shell a pour sa part déclaré des bénéfices de 42,3 milliards de dollars. Et un peu partout, c’est le même scénario qui se répète : 56 milliards de dollars chez l’Américain ExxonMobil ou encore 38,4 milliards de dollars chez TotalEnergies. Pour ce dernier, le bénéfice net s’élève (après taxation donc) à 20,5 milliards de dollars. Ce n’est rien d’autre que le plus gros profit de l’histoire de l’entreprise.
Ces bénéfices records ne sont naturellement pas de nature à inciter les pétroliers à retourner leur veste et à investir, comme ils le communiquent depuis plusieurs années maintenant, dans les énergies vertes ou simplement alternatives (biogaz, e-fuels, etc.). BP a par exemple déjà décidé de freiner ses ambitions de réduire sa production de gaz et de pétrole à l’horizon 2030, car cela reviendrait – du moins pour l’instant – à tuer la poule aux œufs d’or.
Dès lors, BP a décidé de réinvestir massivement dans l’exploitation de gisements d’hydrocarbures tout comme dans la recherche de nouveaux filons. Budget prévu : 8 milliards de dollars qui permettront de capitaliser sur « des opportunités à court terme, rapidement remboursables, avec de faibles émissions opérationnelles supplémentaires » comme le rapporte le Financial Times. De quoi effacer les ambitions de transition énergétique ? Pas tout à fait, car l’entreprise a annoncé que 8 milliards seraient malgré tout investis dans les énergies renouvelables. Pas mal, mais ça reste peu lorsqu’on part de rien. Ou presque.
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Continuer à pomper le pétrole
Manifestement, l’intention des pétroliers est de continuer à essorer les sous-sols de leur brut. Et c’est aussi ce qui se passe en réalité puisque, selon le cabinet d’études S&P Global, l’ensemble du secteur pétrolier aurait injecté 450 milliards de dollars l’an dernier dans toutes les activités liées à l’exploration et à l’extraction des combustibles fossiles. Et les prévisions montrent que ces investissements seront encore plus élevés cette année.
Bien entendu, ces profits records sont dénoncés par les politiciens et même par Joe Biden qui a jugé ces profits « scandaleux ». C’est évidemment une forme de diversion, car vis-à-vis des populations, il est politiquement attendu en temps de crise que ce type de discours soit adopté. Idem en France où TotalEnergies sait très bien que le gouvernement Macron fait les gros yeux et qu’il risque donc de voir augmenter sa taxation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe français a octroyé ses fameuses ristournes à la pompe pendant plusieurs mois. Et c’est aussi la raison pour laquelle il envisage à nouveau de le faire. Et le bénéfice de cette anticipation est évident : les ristournes octroyées par TotalEnergies n’ont coûté au pétrolier « que » 550 millions d’euros. Soit beaucoup moins que si le gouvernement français avait taxé les superprofits de la compagnie.
Souvent, l’argumentaire consiste à dire qu’il ne faut pas augmenter les impôts des entreprises de pointe, car elles ont besoin de leurs bénéfices pour investir. Vrai ? Avant oui. Mais plus maintenant, comme le relevait cette semaine encore Patrick Artus, l’économiste de la banque Natixis et ancien administrateur de TotalEnergies. Celui-ci juge que quelque chose ne tourne plus rond dans le capitalisme, car il a constaté notamment une nette baisse des investissements de grands groupes ces dernières années. Où passe l’argent ? En fait, il passe dans la poche des actionnaires qui touchent des dividendes de plus élevés. En rémunérant plus leurs investisseurs, les pétroliers les poussent à rester à bord de l’entreprise et donc à maintenir la valeur de l’action de l’entreprise en bourse. Exemple concret : TotalEnergies a versé 13,3 milliards de dividendes en 2022.
La question n’est pas de savoir s’il faut ou non sortir de l’ère du pétrole. Plusieurs indicateurs sont évidents : le réchauffement climatique est bien présent et, sans vouloir être alarmistes, nous allons en payer les conséquences. Cela dit, à l’heure où tout le monde parle de virage à négocier et de transition, on ne peut que regretter cet opportunisme des pétroliers qui, au final, ne font rien d’autre que prendre les consommateurs en otage puisque leurs bénéfices proviennent de la poche des automobilistes et des citoyens qui doivent se chauffer. Manifestement, ce scénario risque de perdurer un certain temps encore, car rien n’indique que les prix du pétrole resteront maîtrisés sur le long terme. Vu l’instabilité ambiante, tant économique que géopolitique, on est même tenté de penser le contraire… Ce comportement des pétroliers ne fait donc rien d’autre que prolonger une crise que les populations vont payer longtemps, surtout lorsque les gouvernements subventionnent les hydrocarbures à coup de primes « énergie », de réduction momentanée des accises (mais que nous payons tous), de chèques mazout, etc. À méditer…
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