Économie

L’intelligence artificielle va-t-elle faire grimper le coût des réparations des voitures ?

L’intelligence artificielle est utilisée partout, même dans les logiciels de réparation automobile où elle est censée accélérer le processus. Mais ça n’est pas à l’avantage du réparateur, car l’IA entrainerait une augmentation du coût de la facture, une hausse forcément répercutée sur le client.

David Leclercq David Leclercq | Publié le 9 avr. 2024 | Temps de lecture : 13 min

On le sait : l’intelligence artificielle s’invite à tous les étages du numérique. L’objectif de la démarche : gagner en précision, mais aussi gagner en temps et en efficacité. Sauf que ce résultat n’est pas toujours au rendez-vous, comme le démontre une étude menée en France par la FNA, la Fédération nationale de l’automobile qui regroupe les intérêts des entrepreneurs artisans automobiles depuis le début des années 1920.

L’organisme s’inquiète en effet de la généralisation de l’utilisation de logiciels dopés à l’intelligence artificielle pour analyser les sinistres. Concrètement, de simples photos d’un véhicule accidenté suffisent pour établir une valeur de reprise chez le concessionnaire ou chez le garagiste où la voiture a abouti. Il n’y a donc plus besoin de faire venir un expert sur place, ce qui implique un gain de temps et d’argent. Sauf que pour la FNA, des dérives sont à observer, car l’IA n’est en fait pas un modèle de fiabilité dans ces analyses de coûts et de valeurs, spécialement chez les carrossiers qui peuvent en faire l’amère expérience.

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Remplacer l’humain ?

Habituellement, l’estimation des coûts suite à un sinistre se faisait par le biais d’un expert mandaté par l’assurance et dépêché sur place pour venir constater et estimer les dégâts. A la suite de cette visite, un devis était dressé et il incombait au réparateur de l’observer à la lettre. Tout le monde connaît bien cette situation qui pouvait d’ailleurs mener à des tensions entre experts et réparateurs qui pouvaient ne pas être d’accord sur l’ampleur des dégâts ou le coût des pièces.

Dans ce cadre, l’intelligence artificielle était censée apporter une certaine sérénité pour que tout le monde tombe mieux d’accord. Sauf que sur le terrain, c’est un peu différent et même parfois totalement opposé à ce qui était espéré, les réparateurs devenant dans certains car franchement perdants. Le problème pour la FNA qui a analysé plusieurs milliers de sinistres survenus ces dernières années, c’est que l’IA impose sa vision qui n’est pas toujours juste, notamment pour ce qui concerne les prix. En effet, celle-ci table sur le principe des « meilleures conditions économiques locales » sans prendre en considération les tarifs publics affichés dans la carrosserie en question (taux horaires). Pire, l’IA se trompe aussi dans le prix des pièces ainsi que dans l’estimation du temps à passer pour réparer le véhicule. Les tarifs retenus par l’IA et donc par les experts qui l’utilisent sont donc de plus en plus éloignés de la réalité, au grand dam des réparateurs.

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Une question d’apprentissage ?

Dans ce cadre, l’IA fixe donc un plafond pour les réparations et donc le tarif qui sera pris en charge par l’assurance vis-à-vis du sinistré. Mais il arrive donc fréquemment que celui-ci soit dépassé. Se produit alors deux cas de figure : si le montant défini est dépassé, l’excédent est alors pris en charge soit par l’assuré, soit c’est au réparateur de l’assumer soit en perdant en rentabilité, soit en essayant d’économiser lors de la réparation, ce qui expose naturellement ce dernier en cas de panne ultérieure.

Pour la FNA, la généralisation de l’IA pourrait faire le jeu des assureurs et entraîner des pertes pour les réparateurs et/ou des surcoûts pour les propriétaires. Et l’organisme d’appeler les utilisateurs comme les réparateurs autour de la table afin de mieux concevoir les algorithmes qui se chargent des analyses.

Et en Belgique ?

Les assurances belges utilisent-elles aussi l’intelligence artificielle pour analyser les sinistres ? La réponse est oui, comme le confirme la porte-parole de Belfius Assurances, Ulrike Pommee : « nous utilisons l’IA dans le but d’indemniser correctement et plus rapidement le client suite à son sinistre. En pratique, nous invitons le sinistré à présenter son véhicule chez un de nos réparateurs agréés qui rédige un devis. Ce devis est analysé par l’intelligence artificielle qui vérifie si le montant réclamé pour réparer ce dommage de ce modèle de véhicule est correct ou non. Les conclusions de l’IA mettent en exergue les éventuels points d’attention qui seront également à traiter par notre expert automobile. »

La compagnie précise donc qu’il s’agit encore actuellement de logiciels qui permettent de voir si un devis semble correctement établi ou non par les experts automobiles. L’intelligence artificielle est donc utilisée comme une étape de vérification aussi pour détecter les éventuels cas de fraude. « L’IA peut nous aider à identifier la fraude », ajoute l’assureur.

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Mais il y a encore des développements nécessaires afin que l’IA puisse aller plus loin et effectivement établir elle-même des devis. Belfius explique en effet que « l’IA est très performante sur les véhicules produits à grande échelle et est en phase d’apprentissage continu pour les nouvelles marques et modèles. Dans un futur proche, l’IA permettra d’identifier correctement le véhicule accidenté ainsi que toutes ses options d’origine et sera en mesure de proposer un prédevis sur base des photos qui lui seront transmises. »

La Belgique pas épargnée

Au sein de la fédération Traxio, le son de cloche est un peu différent. « Actuellement, l’IA est testée au sein de la plate-forme de gestion des sinistres Claims 360 (Solera) avec laquelle toutes les parties (assureurs, réparateurs et experts) travaillent en Belgique. Elle n’est donc pas encore opérationnelle », indique Kristof Eraly, Secrétaire général.

La fédération se dit très préoccupée par le sujet et elle indique qu’elle rejoint les collègues dans leurs inquiétudes, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, si l’IA détermine un prix de réparation (sur la base de l’historique/des données), il s’agit d’une tarification structurelle et l’on peut se demander dans quelle mesure la libre concurrence est encore en jeu. Deuxièmement, la pression exercée sur le prix de la réparation joue un rôle dans la sécurité des consommateurs. Par exemple, aujourd’hui déjà, les assureurs ne laissent aucun espace d’investissement au secteur du recyclage pour réaliser les investissements nécessaires en matière de compétences et d’équipements/outils afin de suivre l’accélération technologique que connaît actuellement le marché de l’automobile. « Dès lors, si l’IA détermine un prix futur sur la base de données passées, nous serons encore plus en retard », précise Kristof Eraly.

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Troisièmement, la rentabilité est également sous pression en raison du nombre de services que les assureurs exigent gratuitement d’un réparateur. Les exemples sont nombreux : voiture de remplacement gratuite, service d’enlèvement et de livraison gratuits, stockage gratuit du véhicule pendant 45 jours, vérification toujours gratuite du niveau des fluides, vérification gratuite de la pression des pneus, lavage gratuit du véhicule, etc.

L’IA irréaliste

Kristof Eraly pointe d’autres arguments à l’encontre de l’IA. « Si l’IA devait déterminer un délai de réparation, nous entrerions en conflit avec le principe selon lequel c’est le fabricant d’un bien, en l’occurrence une voiture, qui détermine les normes de réparation et donc les délais de réparation (politique de garantie) ». Et l’homme de pointer que ce modèle a atteint ses limites et que les contacts pris avec les assureurs pour débattre du sujet sont toujours restés lettre morte. On ne peut dès lors que regretter cette absence de dialogue, notamment pour ce qui touche aux acteurs du secteur du recyclage. Pour Traxio, il faut que le modèle utilisé soit rentable pour toutes les parties. Ce qui ne semble donc pas en bonne voie puisque l’IA ne semble être utilisée que pour exercer une pression toujours plus forte sur les prix. Voilà donc un domaine où l’IA menace des emplois, mais de manière indirecte. Pas parce qu’elle remplace l’humain, mais parce qu’elle lui casserait son modèle économique, au détriment aussi des automobilistes et clients. Dossier à suivre, sans aucun doute.

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