Voiture à hydrogène : chronique d’un échec annoncé ?

Depuis un peu plus de 20 ans, les constructeurs automobiles travaillent sur la technologie de l’hydrogène pour la voiture particulière. Mais peu en proposent et, quand c’est le cas, les ventes restent plus que confidentielles. Est-ce déjà l’échec pour l’hydrogène ou a-t-il encore une carte à jouer ?

Publié le 22 octobre 2024
Temps de lecture : 6 min

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Voiture à hydrogène : chronique d’un échec annoncé ?

La voiture à hydrogène a-t-elle un avenir ? On peut raisonnablement se poser la question, car l’offre reste rare tout comme le réseau de distribution qui est quasi inexistant. Les constructeurs qui proposent encore un véhicule se compte sur les doigts de la main : Toyota (Mirai), Hyundai (Nexo) et… c’est tout, puisqu’on doit encore faire abstraction des véhicules annoncés (BMW iX5 hydrogène, Honda CR-V E) ou non disponibles chez nous (Hopium Machina, Toyota Crown).

Pourtant, la technologie de la pile à combustible – la plus répandue – est maîtrisée, mais elle reste très chère et bien plus onéreuse d’ailleurs de celle d’une voiture électrique. On annonce bien l’arrivée de piles plus compactes et moins chères, mais jusqu’ici, ces promesses sont restées sans suite. Si rouler à l’hydrogène est possible aujourd’hui, ce n’est en revanche pas pratique. Et pour cause : le réseau de distribution est inexistant. On ne compte en effet toujours que 7 stations-service en Belgique. Elles sont situées à Erpe-Mere (Gand), Wilrijk (Anvers), Haasrode (Louvain), Hal (Brabant flamand), Herve (Liège), Anvers, Zaventem tandis que la station d’Ollignies (Lessines) est réservée aux poids lourds. Il y en a une autre à Anvers gérée par CMB et un équipement à Zaventem d’Air Liquide. La Commission européenne a bien décidé de soutenir financièrement l’installation de station, mais là aussi les choses trainent. Et avec un budget de 26 millions d’euros pour couvrir plusieurs pays, on ne peut pas dire qu’on ira très loin – une station H2 coûte 1 million d’euros).

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Un autre problème

S’il faut déjà composer avec tous ces problèmes, il y en a un autre, sous-estimé : celui de la propreté de l’hydrogène. En effet, pour que le modèle de la voiture à hydrogène soit défendable, il faut que l’H2 produit soit vert. En d’autres termes, que le processus de fabrication soit le moins émetteur de dioxyde de carbone. Et aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Pas plus que demain manifestement. Récemment, Arnd Franz, PDG de Mahle (un grand équipementier automobile), a affirmé que le développement de l’hydrogène nécessitera l’utilisation d’hydrogène « bleu », c’est-à-dire produit à partir de combustibles fossiles, comme du gaz. Cette perspective est naturellement loin d’être idéale et elle traduit une réalité : le modèle de l’hydrogène serait contre-productif, car il maintiendrait une dépendance aux énergies fossiles et les émissions qui vont avec.

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Selon les estimations, environ 90 millions de tonnes d’hydrogène sont produites chaque année aujourd’hui, un chiffre qui devrait grimper à 130 millions d’ici 2030. Or, il se fait que la majorité de cet hydrogène est produit à partir de gaz naturel, ce qui implique des émissions de CO2 élevées. La réalité est donc crue : l’hydrogène dit « vert » qui est produit à partir de sources renouvelables est encore loin d’être accessible à grande échelle. Le PDG de Mahle admet que l’hydrogène bleu pourrait être une étape intermédiaire, mais sur quelle durée ?

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La voiture électrique devant ?

Face à cette réalité, la voiture électrique prend de l’avance. Et bien que l’électricité qui est stockée dans les batteries des véhicules électriques ne soit pas non plus d’origine 100% renouvelable, la voiture à accumulateur peut se targuer d’un autre avantage : le rendement énergétique qui est aux antipodes.

Le calcul a été fait par Tom Baxter, professeur de génie chimique à l’université d’Aberdeen. L’homme a pris un postulat de départ de 100 watts d’électricité produite avec une source renouvelable (éolienne dans ce cas). Pour alimenter une voiture à une pile à combustible, l’électricité doit être convertie en hydrogène. Or, pendant cette phase, on perd environ un quart des 100 watts de départ. Et ce n’est pas tout. L’hydrogène doit ensuite être comprimé, réfrigéré et transporté jusqu’à la station. Résultat : on perd à nouveau 10% d’hydrogène. Enfin, à bord du véhicule, la pile à combustible va une deuxième fois convertir l’hydrogène en électricité pour alimenter la toute petite batterie de la voiture. On perd donc 40% de l’énergie de départ avec cette étape et encore 5% pour le fonctionnement des moteurs électriques de la voiture. Au final, seulement 38 watts sur les 100 watts initiaux sont effectivement utilisés, ce qui porte le rendement à un pénible 35%, comme c’est le cas pour les voitures thermiques aujourd’hui.

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Pour la comparaison, il faut faire le même exercice pour une voiture électrique à batterie. Dans ce cas, on perd environ 5% pour le transport dans le réseau, 10% en chargeant et déchargeant la batterie, et encore 5% dans les moteurs pour déplacer le véhicule. Le rendement global atteint donc les 80%. L’écart est abyssal.

L’argument du ravitaillement ?

Peut-on aujourd’hui gâcher de l’hydrogène et du rendement énergétique sous l’autel du confort et de l’exigence des consommateurs d’une « recharge » rapide (car, c’est bien l’argument de la voiture à hydrogène, un ravitaillement qui dure 3 minutes) ? Probablement pas pour des raisons évidentes de sobriété énergétique. Et encore moins d’ici quelques années puisqu’on commence à voir arriver sur le marché des voitures électriques dont 80% du pack peuvent être rechargés en une dizaine de minutes. Et comme le réseau de bornes de recharge rapide s’étoffe enfin…

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Les poids lourds se détournent aussi de l’H2

Si l’hydrogène ne semble pas idéal pour faire fonctionner les voitures particulières, qu’en est-il des camions et des gros engins de chantier ? Car la taille supérieure de ces engins et leur vocation à être constamment utilisés poussaient en faveur de l’hydrogène. Mais là aussi, les choses semblent se dégrader. Alexander Vlaskamp, PDG de Man Trucks, a affirmé il y a peu que l’hydrogène ne pourrait pas concurrencer efficacement les camions électriques à batterie. Il met en avant le fait que, pour que l’hydrogène soit une solution viable, il doit provenir de sources exclusivement de sources d’énergie renouvelable. Mais comme on l’a vu, c’est loin d’être le cas.

L’hydrogène est-il mort pour autant ? La réponse est clairement non. D’ailleurs, de nouveaux constructeurs s’y aventurent, comme Skoda et Hyundai qui se sont récemment associés, convaincus de pouvoir trouver des solutions à haut rendement énergétique. Ce qui serait bien nécessaire. Si l’hydrogène a de l’avenir, ce sera surtout au cœur des processus industriels et, pour le transport, le maritime, l’aviation et, peut-être, les camions longue distance. En attendant…

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Par David Leclercq Rédacteur automobile

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