« Il ne faut pas reproduire ce qu’il s’est passé avec le gaz russe » : voilà comment est redoutée la transition vers la voiture électrique par la Cour des comptes européenne. Cette réflexion, c’est Annemie Turtelboom, chargée de l’audit sur la question de la production des batteries électriques en Europe, qui la glisse. Et elle est lourde de sens.
Car l’organe européen ne semble pas envisager que le vieux continent puisse se positionner valablement sur la question des batteries pour la voiture électrique. La Cour des comptes estime en effet que l’industrie européenne des batteries est à la traîne surtout par rapport à la Chine (on s’en doutait), mais aussi – et déjà – par rapport aux États-Unis.
Le problème ? Les matières premières !
La Cour des comptes met en garde les autorités européennes (et la Commission en premier lieu) sur les réalités géopolitiques mondiales et notamment sur l’accès aux matières premières pour lequel l’Europe n’est tout simplement nulle part alors qu’il s’agit d’une condition sine qua non pour la réussite de la transition.
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Pire : Annemie Turtelboom en rajoute une couche et indique que la liste des matières premières essentielles dressée par l’Europe date de… 2016. Certes, elle a été mise à jour en 2020, mais c’est manifestement insuffisant pour glaner une position de leader.
« Les chances sont infimes », a ajouté l’ancienne ministre belge. Et c’est un fait : la Chine exporte 40% du graphite nécessaire et elle produit 76% des batteries. Et la dépendance est tout aussi évidente par rapport au Congo qui produit 68% du Cobalt. Pour la Cour des comptes, les USA nous ont déjà doublés, en subventionnant la production de minerais sur son territoire, ce qui n’est pas le cas de l’Europe une nouvelle fois.
Prise de conscience
L’Europe doit manifestement arrêter de s’enfoncer la tête dans le sable et prendre conscience de la réalité. Alfonso de Castro Malheiro, auditeur à la Cour des comptes, a indiqué à La Libre Belgique que « la production comme l’importation de véhicules seront soumises à cette neutralité carbone. Cette production de batteries est gourmande en énergie et les objectifs pour la neutralité ne sont pas suffisamment quantifiés ».
La Cour estime en outre qu’il faudra au mieux 12 ans de travail pour aboutir à une implémentation complète d’une industrie compétitive et neutre en carbone pour les batteries automobiles. Ce qui nous propulse en… 2035, moment où le marché devrait être exclusivement inondé de voitures électriques. Irréalisable donc.
Des pénuries et une infaisabilité ?
La Cour des comptes anticipe aussi les situations de demain. Et elle n’y va pas par quatre chemins : l’Europe sera probablement confrontée à une pénurie de matières premières. Et l’offre est limitée et rigide, car il faut des autorisations auprès des autorités locales et les délais de réalisations des projets miniers sont longs.
Actuellement, les moyens de production sont insuffisants ce qui amène à un coût moyen au kWh de 200 euros alors que l’objectif pour 2022 était de… 90 euros/kWh. La Chine arrive, elle, à un coût de 115 euros/kWh alors qu’elle maîtrise parfaitement la chaîne de valeur, de la mine à la production des cellules et des packs.
La route est encore longue. Et ce n’est pas les diverses usines françaises ou allemandes qui y changeront quelque chose, car c’est toute une filière qu’il faut développer et pas juste des maillons séparés. On comprend mieux pourquoi les Chinois proposent des prix canon pour leurs voitures électriques…
Un manque de coordination
La Cour des comptes pointe toutefois des points positifs. Comme le fait que l’Europe commence à dégager des subventions pour inciter les industriels à l’implanter sur son sol. Toutefois, la coordination entre les États n’est pas au rendez-vous. C’est la loi du chacun pour soi, ce qui qui empêche de construire des filières intelligentes, organisées et durables.
Dans son rapport, la Cour des comptes européenne met donc en garde les organes de décision : si l’Europe n’est pas capable d’augmenter rapidement sa production de batteries, il se pourrait bien qu’elle soit contrainte de repousser l’interdiction de vente des nouvelles voitures thermiques en 2035.
Ces réflexions posent question, car ce scénario est de plus en plus fréquemment présenté. La Cour indique qu’une solution pourrait consister à importer massivement des batteries, mais avec comme conséquence évidente la mort de l’industrie automobile européenne. Comme quoi, les ambitions c’est bien, mais avec un minimum de réalisme. Roulerons-nous tous en voiture électrique en 2035 ? Rien n’est moins sûr…
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