Économie

Quel sera le prix à payer pour les carburants synthétiques ?

Dans les hautes sphères européennes, les tractations vont bon train pour évaluer la possibilité d’autoriser les carburants synthétiques pour alimenter les nouvelles voitures thermiques qui pourraient – très hypothétiquement – être vendues après 2035. Cela dit, le développement et la production des e-fuels auront un coût sociétal que certains jugent trop élevé alors que d’autres voient cette solution comme salvatrice. On fait le point.

David Leclercq David Leclercq | Publié le 13 juin 2023 | Temps de lecture : 10 min

C’est probablement l’un de gros sujets de discussion dans les couloirs des bureaux de la Commission européenne : les carburants synthétiques ou e-fuels. Faut-il les autoriser ou, au contraire, les interdire. Récemment en effet, l’Europe a décidé d’interdire la vente de nouvelles voitures thermiques après le 1er janvier 2035.

A priori, toutes les nouvelles voitures vendues devaient être électriques à partir de cette date. Vraiment ? Pas sûr, car certains pays, Allemagne et Italie en tête, ont fait barrage à la mesure, demandant que les carburants synthétiques soient introduits dans l’équation de la transition énergétique. L’Europe a du en partie plier et doit se pencher sur la question d’ici l’automne 2024.

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Quel coût ?

Naturellement, le débat fait rage entre les défenseurs les détracteurs de ces carburants. En effet, pour les détracteurs ces carburants synthétiques ne constituent qu’une perte de temps et un gaspillage de ressources – notamment dans la part d’énergies vertes à mobiliser pour la fabrication du carburant – tandis qu’ils soutiennent aussi que les e-carburants continuent de participer à la pollution atmosphérique en rejetant oxyde d’azote et monoxyde de carbone. Bref, les e-carburants constituent pour ces personnes une coûteuse distraction qui ne fait que retarder la globalisation de la voiture électrique.

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Les défenseurs en revanche pensent que les e-fuels constituent une vraie solution pour décarboner les centaines de millions de voitures à moteur à combustion interne en circulation, ainsi que d’autres transports comme le transport maritime ou l’aviation. Pour les défenseurs de ces nouveaux carburants, la neutralité du processus de production ainsi que la captation du carbone à la source pour les fabriquer permettraient d’atteindre sans effort l’empreinte carbone globale d’une voiture électrique.

Porsche et Ferrari

Parmi les ardents défenseurs des e-fuels, il y a sans réelle surprise Porsche et Ferrari qui y voient un moyen de prolonger la vie de leurs voitures de sport – quoique ceux-ci ont déjà obtenu des dérogations pour continuer à produire des moteurs thermiques après 2035 pour peu qu’il s’agisse de séries de moins de 1.000 modèles. Porsche a même investi dans une usine pilote de production de carburants synthétiques au Chili.

D’autres constructeurs généralistes voient aussi une opportunité dans les carburants de synthèse qui pourraient alimenter des millions de voitures. C’est le cas de Stellantis et de Renault par exemple. Stellantis a d’ailleurs expliqué récemment que le groupe achevait des tests sur les carburants synthétiques pour une série de familles de moteurs, tout en soulignant que l’objectif restait néanmoins de vendre que des véhicules électriques à l’horizon 2030. Mais il y a anguille sous roche : pour Carlos Tavares il faut veiller « à ce que nos moteurs soient compatibles avec les e-fuels. Nous voulons donner à nos clients un outil supplémentaire dans la lutte contre le réchauffement climatique. »

Un plan pour faire échouer l’électrique ?

Ces études et tests font évidemment bondir les organisations environnementales. Pour William Todts, directeur exécutif de Transport & Environement (T&E) interrogé par Automotive News Europe, « les soutiens du lobby des e-carburants, principalement l’industrie pétrolière, ne recherchent pas une compétition équitable entre les e-carburants et les véhicules électriques, mais ils cherchent à faire dérailler l’électrification de masse. »

Cela dit, il faudra voir si les e-fuels sont finalement autorisés. Et quel sera leur prix. Ralf Diemer, directeur général de l’E-Fuels Alliance qui est naturellement dans le camp des « pros », reconnaît que les carburants synthétiques sont actuellement trop chers et donc tout simplement invendables. Il n’y a que si la production augmente que les prix pourront diminuer, mais à la condition aussi de déployer les usines de production là où les énergies vertes sont les plus abondantes. Et E-Fuels Alliance plaide aussi pour une taxation moindre des e-carburants.

Une indépendance territoriale

On ne sait évidemment pas quelle sera la taille du futur marché des e-carburants (s’il existe). Mais il est vrai que ceux-ci pourraient remplacer les combustibles fossiles traditionnels à longue échéance. Pour les experts, des pays comme l’Arabie Saoudite qui possède une population faible et de grands espaces pourraient se convertir aux e-fuels et devenir un des gros fournisseurs de la planète eu égard à l’abondance de soleil qui permet de construire d’immenses fermes solaires. Reste que l’Europe devrait aussi s’y mettre, ce qui lui permettrait de diversifier ses sources d’approvisionnement énergétiques et s’affranchir du reste du monde dont elle est fortement dépendante.

Pour les industriels de l’automobile, adapter les moteurs aux e-carburants est un jeu d’enfant et, selon Luca de Meo, CEO de Renault, ceux-ci constitueraient une excellente solution pour la marque Dacia qui voit ses prix monter en flèche ces dernières années en raison en partie des technologies moteurs nécessaires au respect des normes d’émissions. Pouvoir se passer d’hybridation par exemple pourrait être un avantage non négligeable pour le client final qui conserverait un véhicule à bon prix.

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Pour Gilles Le Borgne, directeur de la technologie du groupe Renault, les e-fuels permettent aussi de prendre l’avantage sur la voiture électrique si on considère le cycle de vie global. « Si vous avez une batterie de 150 kWh [dans un véhicule électrique], vous avez une grande quantité de CO2 à rembourser dès le premier jour », a-t-il déclaré à Automotive News Europe. « Mais si l’on tient compte de la totalité du cycle de vie des e-carburants, on peut prendre de l’avance [sur la voiture électrique]. »

Le rendement faible des e-fuels ?

Certains spécialistes plus indépendants comme Capgemini Engineering pensent différemment. Interrogé par Automotive News Europe, Peter Fintl indique ainsi que le rendement du puits à la roue des e-carburants est plutôt catastrophique. En effet, le rendement d’une voiture électrique se situe autour des 75% (75% du kWh produit est utilisé) alors que dans le cas des e-fuels, ce rendement tombe entre 10 et 15% au mieux.

Selon Fintl, la production à grande échelle d’hydrogène fait bien plus sens et c’est vers cette solution qu’il faut se tourner. « Pour chaque millier d’euros que vous dépensez dans le développement des biocarburants, vous perdez ce budget dans d’autres domaines. En fin de compte, l’électrification est moins chère, plus efficace et tout simplement meilleure », a-t-il précisé.

Reste à voir si l’Europe mettra un cadre autour des carburants synthétiques. Selon un document consulté par Reuters début 2023, l’Union prévoit bien de créer une catégorie de voitures pouvant fonctionner uniquement avec des carburants neutres en carbone. Cela dit, hormis les industriels de l’automobile, peu croient à une percée des e-fuels. Car leur grande majorité sera probablement utilisée par l’aviation qui est peu adaptée à l’électrification. Selon LMC, il n’y a donc pas de place peu eux dans les transports légers comme les voitures. Voilà qui promet de longues nuits de débats…

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