ESSAI Alpine A110: coup de maître?

Après plus de 22 ans d’absence, Alpine renaît de ses cendres avec un modèle directement inspiré de la fameuse berlinette A110 des années 60. Mérite-t-elle ce nom et cette silhouette mythiques ? Le suspense est à son comble…

Publié le 13 janvier 2018
Temps de lecture : 10 min

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ESSAI Alpine A110: coup de maître?

« Rien n’a changé… Tout a changé », assène le film d’introduction de la conférence de presse précédant ce premier essai tant attendu. Tout a changé !? Ben non, la nouvelle A110 est dédiée au plaisir de conduire et reprend à peu près tous les codes stylistiques de son ancêtre. Rien n’a changé !? Si, quand-même, beaucoup de choses : l’Alpine moderne a grandi (4,18 mètres de long au lieu de 3,85), dispose d’un moteur central et non plus en porte-à-faux arrière, d’un turbo, d’une boîte séquentielle à commandes au volant… Et je ne vous parle même pas de la clim, du GPS, de l’ABS/ESP, de la direction assistée…

Bref, la nouvelle A110 n’est pas une réplique de l’ancienne mais une voiture moderne s’inspirant de manière très libre de son aînée. Un chiffre résume l’évolution de l’automobile en 55 ans : le modèle lancé en 1962 pesait 565 kilos, quand le nouveau en fait quasiment le double (1.103 kg pour la « Première Edition » essayée ici). Il s’agit pourtant d’une stricte deux places, alors que l’A110 originelle était une 2+2. Mais rappelons qu’on a beaucoup moins de risques de mourir à bord d’une auto de 2018 que dans les tombeaux roulants des (prétendues) « golden sixties » !


Oui mais…

Alpine est très fière d’avoir obtenu ce poids de 1.080 kilos (pour la version de base qui sera vendue cette année). Il existe pourtant deux manières de juger ce résultat. En le comparant à celui obtenu par Porsche pour son Cayman 2 litres 300ch : près de 1,5 tonne. Là, on peut dire bravo Alpine ! Mais la seconde est de comparer la très grosse tonne de l’A110 aux 940 kilos de l’Alfa 4C. L’explication est assez simple : l’Italienne bénéficie d’un châssis carbone, alors que l’Alpine se contente d’aluminium.

Cela fait déjà une belle différence, qui augmente encore en raison de l’équipement plus que minimaliste de l’Alfa, qui se prive par exemple de direction assistée (ce qui est parfois assez pénible !). La 4C est aussi près de 5.000 euros plus chère que l’Alpine, en raison évidemment de ce choix technologique « extrême ». Par contre, la Porsche Cayman et son bon vieil acier est 3.200 euros moins chère que l’Alpine « Première Edition ». Mais la marque française va commercialiser une version un peu moins onéreuse que cette dernière, ce qui la mettra au prix du Cayman de base. Ouf, car vendre une Alpine plus chère qu’une Porsche comparable et disposant de 48 chevaux de plus ne doit pas être une sinécure !

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1955

Les 1955 exemplaires de cette « Première Edition » ont pourtant déjà tous trouvé acquéreurs, à un rythme que même les responsables de la marque n’osaient espérer. Comme quoi, même si l’A110 a disparu au début des années 70 et qu’elle ne fut jamais vraiment remplacée, la marque Alpine a gardé une incroyable aura. Tout cela, évidemment, grâce à la compétition automobile et aux multiples victoires de qui ont jalonné son histoire, du Rallye de Monte-Carlo aux 24 Heures du Mans !

Du coup, revers de la médaille, le délai de livraison est aujourd’hui de plus d’un an ! Comme quoi, les fans n’attendent pas l’avis des journalistes pour signer le bon de commande de la voiture de leurs rêves. Mais ne vont-ils pas le regretter !? Allez, encore quelques lignes de patience pour le savoir…


Pas de rangements

Ce que ces impatients pouvaient déjà savoir par contre, c’est que l’habitacle ne compte que très peu d’espaces de rangement, puisque la nouvelle A110 a été présentée au public au Salon de Genève, en mars dernier. A l’usage, c’est quand même un peu embêtant.

OK, il y a moyen de poser son téléphone sous la console centrale, et il y a bien un emplacement (trop reculé) pour une canette (à condition de se passer du cendrier nomade) mais c’est tout. Ni boîte à gants, ni vide-poches dans les portes… Et pas plus de filet derrière les sièges, ce qui n’aurait pourtant été ni cher, ni pénalisant en termes de poids. C’est une erreur car même si une telle auto ne se juge évidemment pas principalement à ses aspects pratiques, faciliter un peu la vie des passionnés qui vont l’utiliser n’est pas superflu. Vous verrez, lors du premier petit face-lift de l’auto (dans deux ans au mieux), Alpine améliorera les choses !

La finition, elle, est au niveau auquel je m’attendais : assez loin des standards Porsche mais pas non plus repoussante, comme pouvait l’être celle d’une Alpine des années 80 face à une 911 de l’époque. Quelques plastiques sont quand même un peu « cheap » et les coutures de la trappe de l’airbag passager sont un peu désordre mais ce n’est pas un gros défaut à mes yeux.

Plus embêtante est la position de conduite perfectible. La colonne de direction n’est pas assez télescopique et je dois donc rouler un peu trop près des pédales. Du coup, mon genou droit touche le satellite de la radio. De plus, le dossier du siège, non-réglable, n’est pas assez vertical à mon goût, mais cela doit pouvoir s’arranger à l’atelier. L’ergonomie, en revanche, semble plutôt bonne, Alpine ayant notamment eu la bonne idée de conserver des réglages de climatisation séparés de l’écran principal.

Ah oui, grâce à son moteur central et non plus en porte-à-faux, l’A110 compte deux coffres, un devant et un derrière. Ils sont très petits mais ont le mérite de coexister.


Belle sur la route

Avant de prendre le volant sur les routes du Lubéron puis sur le circuit du Grand Sambuc, mes premiers kilomètres à bord se font à la place du passager. De quoi déjà apprécier le son du moteur. Le 4 cylindres 1.8 Turbo de 252 chevaux se fait surtout entendre à l’accélération et à la décélération, avec un bruit rauque et un petit sifflement discret dans le premier cas, quelques pétarades pas trop artificielles dans le second.

Et puis, cette première découverte dans le baquet de droite en suivant des confrères est aussi l’occasion de voir comme l’Alpine est belle en mouvement et dans son environnement naturel, c’est-à-dire une petite route du Sud de la France. Le bleu de cette version « Première Edition » est magnifique et fait ressortir la beauté du design, tout en rappelant immédiatement à celui qui l’aperçoit l’incroyable palmarès d’Alpine en rallye.


Tout de suite corps

Le grand moment arrive enfin : je passe derrière le volant… et j’oublie assez vite mes réserves concernant la position de conduite perfectible, pour profiter des qualités routières exceptionnelles de l’Alpine. Dès le troisième virage, j’ai compris : les ingénieurs de Renault ont « fait le job » : la direction est à la fois très communicative et précise, la suspension à doubles triangles avant et arrière absorbe les bosses de manière très efficace et les vitesses de passage deviennent vite effrayantes. Mais ce qui me réjouit le plus, c’est cette impression de faire véritablement corps avec la machine.

Le petit baquet maintient bien le « pilote », qui joue avec l’équilibre de l’auto à chaque instant. Un peu de pluie fera son apparition durant cet essai mais l’A110 met tellement à l’aise que j’utiliserai le mode « Track » dans ces conditions, afin de pouvoir un peu glisser sans déclencher l’ESP. Mais cela se fait en toute confiance, sans appréhension tant les réactions et l’équilibre de cette belle machine sont remarquables.

J’ajouterais à cet excellent bilan routier un confort de très belle facture (quatre heures d’essai sans mal au dos) et une facilité de conduite vraiment étonnante. Là où une Alfa 4C vous rend la vie compliquée, l’Alpine donne immédiatement le sentiment d’être utilisable au quotidien, un peu comme une Porsche mais en plus joueuse.

La très bonne boîte double embrayage à commandes au volant participe au plaisir général, même si les palettes fixes devraient être un peu plus grandes car on doit parfois bouger les mains pour les attraper.

Le moteur, enfin, ne déçoit pas car la légèreté de l’Alpine permet de compenser son petit déficit de puissance, et la philosophie typiquement Renault Sport, axée sur le couple à bas régime, permet de sortir avec aisance de chaque virage, même sans faire hurler la mécanique.


Très amusante

Restait la cerise sur le gâteau de ce premier essai : une dizaine de tours du circuit du Grand Sambuc. Une piste exigeante et offrant assez peu de dégagements, demandant donc d’être rapidement en confiance pour oser attaquer. Un circuit taillé pour l’Alpine car elle reste très facile à piloter même à la limite. A part une légère instabilité sur les gros freinages à très haute vitesse (le fond plat et l’extracteur permettent d’éviter la présence d’un aileron mais ont quand même leurs limites), c’est parfait.

En mode Track, ESP déconnecté, l’A110 se place où vous le voulez, enroule le virage autant que vous le désirez, et ne donne jamais l’impression de vouloir partir en tête-à-queue, même si elle prend parfois pas mal d’angle. Dommage quand même de ne pas avoir un autobloquant mécanique pour pouvoir entretenir de plus longues glissades mais honnêtement, la motricité est suffisamment bonne pour pouvoir s’en passer. Grâce à sa légèreté, la nouvelle Alpine est également capable d’aligner les tours « à l’attaque » sans trop faire souffrir ses freins.

Evidemment, elle serait encore plus efficace sur circuit avec une suspension un peu plus dure, mais cela serait obtenu au détriment du confort quotidien. Le compromis me semble donc idéal.

Conclusion

Bravo ! Pour un retour, c’est un très beau retour : cette Alpine est déjà parfaitement aboutie. Une auto de caractère mais utilisable au quotidien : Renault a visé juste !

+

Voiture de caractère mais utilisable au quotidien

Compromis confort/tenue de route

Mécanique agréable

Style très réussi

Trop peu d’espaces de rangement

Position de conduite perfectible

Finition également

Le prix d’une Porsche !

Alpine A110 Première Edition fiche technique

Moteur : 4 cyl. turbo, essence, 1.798cc ; 252ch à 6.000tr/min ; 320Nm à 2.000tr/min

Transmission : aux roues arrière

Boîte : Auto double embrayage 7 rapports

L/l/h (mm) : 4.180/1.798/1.252

Poids à vide (kg) : 1.103

Volume du coffre (l) : 100 + 96

Réservoir (l) : 45

0 à 100 km/h (sec.) : 4,5

Vitesse maxi (km/h) : 250

Conso mixte (l/100 km) : 6,1

CO2 (g/km) : 138

Prix (€) : 58.800

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Par Stéphane Lémeret Éditeur

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