En pénétrant dans le stand aménagé en « lounge », mon regard est immédiatement attiré par un casque trônant sur une table, celui d’Andrea Bertolini. Pilote de développement de Maserati, il fut l’artisan des victoires de la fabuleuse Maserati MC12 en FIA-GT dans la 2e moitié des années 2000. Notamment aux 24 Heures de Spa 2006 et 2008, aux côtés d’Eric van de Poele. Aujourd’hui, il est toujours présent en compétition mais il roule sur Ferrari, puisque Maserati n’a plus de voiture de course dans sa gamme. Mais cela va changer : la nouvelle MC20 sera bientôt déclinée en version circuit, plus que probablement en GT3, la catégorie faisant les beaux jours des 24 Heures de Spa depuis une dizaine d’années. On peut évidemment parier qu’Andrea, qui a largement contribué au développement du modèle de route, sera de la partie, au moins au début, pour parfaire sa mise au point.
Si je vous parle d’Andrea, c’est parce que sa présence fait remonter en moi des souvenirs fabuleux, du temps où, moi aussi, j’avais la chance de disputer chaque année les 24 Heures de Spa au volant de la meilleure GT de tous les temps, l’extraordinaire MC12. Avec mes équipiers, nous aurions dû gagner (devant Andrea et les siens) en 2008 mais un projectile non-identifié nous a relégués au 2e rang, alors que nous étions en tête en vue de l’arrivée. Qu’à cela ne tienne, j’ai personnellement vécu de l’intérieur cette époque fabuleuse et pouvoir enfin essayer la descendante de cette voiture mythique me réjouit au plus haut point…
Super, pas hyper
Avant d’attaquer le circuit puis de tenter de survivre aux trombes d’eau s’abattant sur la région de Modène lors de l’essai routier, il convient de mettre les choses au point : même si la MC20 est évidemment une héritière de la MC12, elle ne boxe pas tout à fait dans la même catégorie. Cette dernière était en effet ce que l’on appelle aujourd’hui une « hypercar », c’est-à-dire un objet d’une rareté exceptionnelle, vendu à des prix stratosphériques. Il n’y en a eu qu’une cinquantaine et aujourd’hui, leur cote dépasse largement le million d’euros. La MC20 en revanche n’est « qu’une » supercar, dont la production n’est pas limitée et qui est vendue au prix de ses concurrentes (McLaren, Ferrari F8…) voire même un peu moins. 220.000 euros TVAC en Belgique. Déjà pas mal !
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Années 2020 obligent, son moteur n’est pas un V12 atmo comme celui de sa grande sœur mais un V6 bi-turbo 3 litres, développant 630 chevaux. C’est relativement modeste par rapport à une Ferrari F8 ou à une McLaren, qui en affichent presqu’une centaine de plus. Mais bon, à un tel niveau, on n’est plus vraiment à ça près. 630 chevaux dans une voiture de moins d’une tonne et demie, cela permet quand même d’accélérer de 0 à 100 en moins de 3 secondes, et de pointer à 326 km/h. OK, on y va !
La bonne approche
Un autre pilote d’essai m’accompagne pour ma découverte de la MC20 sur circuit. Heureusement, Andrea l’a briefé : j’ai l’autorisation d’attaquer. Mais faisons d’abord connaissance avec la bête. Tout d’abord, elle est splendide. Spectaculaire mais élégante. Une ligne unique, qui correspond parfaitement à l’idée que je me fais d’une Maserati, sans ostentation mais avec une force de caractère évidente. L’ouverture des portes vers le haut contribue à faire comprendre que l’on a affaire à un véhicule d’exception. Pénétrer dans la coque en carbone développée en collaboration avec Dallara n’est toutefois pas trop compliqué. Et on trouve tout de suite une position de conduite idéale.
Tout tombe sous la main et l’élégance est également au rendez-vous, même du côté du grand écran central. L’ergonomie est « normale » : pas de commandes de clignotants sur le volant comme chez Ferrari ou de bizarreries compliquées à appréhender comme chez McLaren. Un très bon point car pourquoi vouloir réinventer la roue alors que nous sommes désormais tous habitués à une certaine standardisation ergonomique, et qu’aller à l’encontre de ces habitudes se révèle contre-productif, voire dangereux ?
Seul point qui me chagrine un peu : je reconnais le volant de l’Alfa Giulia, certes revisité par Maserati mais quand même… Il y a toutefois fort à parier que peu d’acheteurs de cette auto s’en rendront compte, sauf s’ils conduisent un jour une Alfa.
Caractères différents
Par rapport à une Lamborghini par exemple, la mise à feu de la MC20 est très discrète. L’esbrouffe, ce n’est pas son truc. On se rend évidemment compte qu’on se trouve au volant d’une vraie sportive, mais elle ne réveillera pas vos voisins lorsque vous irez chercher les croissants dimanche matin ! Plutôt une qualité car de nos jours, mieux vaut ne pas trop énerver les anti-bagnoles.
En action, on ne retrouve pas non plus les envolées lyriques d’un bon vieux moteur atmo. Qui ne se trouve d’ailleurs quasiment plus que chez Lambo. Disons donc que pour un turbo, ce V6 à 90° s’en sort plutôt bien, avec cette petite musique italienne qui le rend un peu plus « vivant » qu’un V8 McLaren. Mais bon, avec la généralisation des turbos, ce n’est plus vraiment la musique d’un moteur qui vous fera choisir l’une ou l’autre supercar. Ou alors, achetez vite une Huracan tant qu’il est encore temps !
Côté performances, je ne vais pas vous dire que ça pousse car vous vous en doutez un peu ! Ce qui est plus frappant, c’est la facilité de prise en main de cette machine. Pour découvrir le circuit assez sinueux de Modène, j’effectue un premier tour en mode Sport, que l’on sélectionne via la grosse molette située entre les sièges. C’est la position intermédiaire, entre GT (confort) et Corsa (circuit). La direction est tellement précise et le châssis donne une telle confiance que dès le 2e virage, vous comprenez que la MC20 ne vous trahira pas. Dans ce mode, l’ESP intervient d’ailleurs assez vite, créant un sous-virage rassurant pour ceux qui n’ont pas l’habitude de pousser une voiture dans ses retranchements.
Lorsque vous avez plus d’expérience, cela devient toutefois assez vite frustrant et il est grand temps de passer en mode Corsa. La belle Maserati change alors de caractère et vous laisse vous amuser sans retenue : petites dérives du train arrière très faciles à maîtriser, et intervention tardive de l’ESP lorsque vous dépassez vraiment les limites. C’est juste parfait car cela permet de « se prendre pour un pilote » et de sentir l’ensemble de l’auto travailler, sans se faire peur. Andrea Bertolini m’avait prévenu : il n’a pas voulu développer une voiture « extrême », poussant l’efficacité à son maximum en se fichant pas mal de savoir si son propriétaire sera capable de sentir sa limite. Le but de Maserati était de faire une voiture certes efficace, mais surtout prévenant le conducteur lorsqu’elle atteint ses limites. « J’ai énormément poussé Bridgestone à développer un pneu spécifique permettant d’atteindre ces objectifs », m’a avoué Andrea. Mission accomplie, de très très belle manière. Les acheteurs de cette auto prendront certainement énormément de plaisir à son volant car elle communique parfaitement : vous sentez exactement à quel moment le train avant va perdre de l’adhérence, et à quel moment c’est le train arrière qui va rendre les armes. Et dans ce mode Corsa, l’équilibre est parfait : en fonction de votre pilotage et de la manière dont vous entrez dans le virage ou vous remettez les gaz, vous pouvez jouer entre sous-virage et survirage comme vous l’entendez. Je pense que même les conducteurs qui n’ont jamais eu de licence de pilote y prendront beaucoup de plaisir !
C’est le but, non ?
Dernier point intéressant : je n’ai pas eu envie de déconnecter l’ESP. Sans doute que si j’avais roulé un peu plus longtemps serait arrivé un moment où j’aurais voulu le faire mais durant ces quelques tours, j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir, même en laissant le système connecté. Ca aussi, c’est très fort car cela veut dire que les « pilotes du dimanche » pourront s’amuser sur circuit sans prendre trop de risques. Ce serait dommage de rectifier une si belle carrosserie !
Quant à la boîte séquentielle 8 rapports et aux freins carbone-céramique, ils sont juste parfaits pour cette utilisation « circuit ». Reste à voir ce que donne ce magnifique jouet sur routes ouvertes…
Vraiment utilisable
La pluie menaçait lors de mes tours de circuit, et si elle a eu la gentillesse de m’épargner pendant cette petite séance de pilotage, c’était pour mieux inonder les routes alentours juste après. C’est donc sous une pluie battante que je m’élance pour deux heures de conduites sur les petites routes de la région. Sur l’autoroute, les camions m’envoient des gerbes d’eau me privant de toute visibilité, et je dois déjà faire attention à l’aquaplaning. Mais, alors que d’habitude conduire une supercar dans ces conditions est plutôt stressant – surtout quand vous ne la connaissez pas encore bien -, je me sens à l’aise. Le confort général, la facilité de conduite… Tout concourt à vous mettre en confiance. Et le moteur, lui, ronronne gentiment, toujours prêt à réagir lorsque vous voulez effectuer un dépassement. Souple et linéaire, il se fait en quelque sorte oublier, tout en se montrant parfaitement efficace. Idem pour la boîte, réactive et douce à la fois. Décidément, cette supercar semble faite pour les longues distances. C’est d’ailleurs sans doute sa plus grande force car après deux heures de conduite qui auraient pu être éprouvantes vu les circonstances, je ne ressentais toujours aucune fatigue. Pas même de mal au dos car le siège est parfaitement dessiné. Je comprends mieux pourquoi Maserati a prévu deux coffres de dimensions relativement généreuses pour une telle auto : cette MC20 permet d’envisager de partir assez loin pour un week-end en couple.
Pourtant, même sous pluie, l’efficacité est au rendez-vous. Les pneus Bridgestone offrent à la fois beaucoup d’adhérence et une progressivité remarquable. Comme lors de mes tours de circuit sur sol sec, je me suis vite senti à l’aise et ai commencé à tutoyer les limites dès les premiers kilomètres de routes de montagnes. Je précise que je roulais en mode Sport, avec les suspensions réglées « Soft », comme il convient sur route mouillée. Dans ces conditions, le léger sous-virage ressenti sur circuit en « Sport » devient un allié précieux car il vous permet de « sentir » la route et son taux de grip. Ensuite, à vous de remettre les gaz au bon moment mais même si vous êtes un peu optimiste, la MC20 ne vous trahit pas, se contentant d’une légère dérobade de l’arrière, très facilement contrôlable, surtout que l’ESP veille au grain. Mais la motricité est excellente malgré les 729 Nm de couple.
Conclusion
Cette auto est unique. Par sa beauté et son élégance, mais aussi et surtout par son confort et sa facilité d’utilisation au quotidien malgré une efficacité redoutable. Cela faisait longtemps qu’une voiture ne nous avait pas autant fait envie !
Maserati MC20 : fiche technique
Moteur : V6, bi-turbo, essence, 3.000cc ; 630ch à 7.500 tr/min ; 730Nm de 3.000 à 7.500 tr/min.
Transmission : aux roues arrière.
Boîte : auto double-embrayage 8 rapports.
L/l/h (mm) : 4.669/1.965/1.221
Poids à vide (kg) : 1.468
Volume des coffres (l) : 100 & 50
Réservoir (l) : 60
0 à 100 km/h (sec.) : 2,9
Prix : 220.000 € TVAC
Puissance : 630 ch
V-max : 325 km/h
Conso mixte : 11,6 l/100km
CO2 : 262 g/km
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