Attendue depuis belle, la réforme de la fiscalité automobile wallonne vient donc d’être dévoilée. Pour peu, on y croyait d’ailleurs presque plus, car celle-ci fait l’objet de tractations depuis plusieurs années déjà. Le gouvernement wallon est toutefois arrivé à un premier accord sur les lignes directrices de cette réforme dont l’entrée en vigueur se fera progressivement, à partir du 1er janvier 2023 jusqu’en 2026.
L’objectif du cabinet de l’Énergie – celui de Philippe Henry (Ecolo) – est de faire la chasse aux véhicules lourds et émetteurs de CO2 et particulièrement aux SUV, ce qui risque aussi d’égratigner la voiture électrique qui, avec ses batteries, présente aussi une masse importante. Cela dit, le cabinet de l’Énergie dit avoir tout prévu afin de ne pas pénaliser les voitures zéro émission.
Encore un avant-projet
Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, dit le dicton. Une maxime qui s’applique aussi à cette réforme qui reste encore à ce jour un projet, même si elle fait l’objet d’un premier accord. Car il ne faut pas se leurrer : deux autres accords doivent encore intervenir avant que le texte soit envoyé devant le Parlement où la majorité sera chargée de le voter. Cela dit, avant tout cela, les textes devront aussi être finalisés par le gouvernement et, après cela, le ministre Henry a promis une large concertation qui réunira le Conseil de la fiscalité et des finances de Wallonie, le SPW Fiscalité, le CESE (Conseil Économique, Social et Environemental de Wallonie), l’Union des villes et des communes wallonnes, ainsi que le secteur automobile avec Traxio et la FEBIAC.
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L’accord intervenu ce week-end ne tient donc qu’à un fil, car il se dit que la réforme ne plait pas à de nombreux ministres, essentiellement MR, même si ceux-ci ont décidé de faire un pas vers leurs collègues. C’était d’ailleurs l’engagement des Bleus pris lors de la déclaration de politique régionale, signée en 2019. Il faudra voir comment les choses évolueront, mais il n’est pas certain que le texte finisse devant le Parlement, faute de temps et d’accord définitif sur cette matière qui mérite pourtant – et depuis longtemps – une grosse mise à jour.
À partir de quand ?
Si tout aboutit, la réforme s’appliquera à partir du 1er janvier 2023, mais uniquement aux nouvelles immatriculations. Une phase de transition sera opérée entre cette date et 2026. Au cours de l’année 2023, la taxation sera composée à 25% du nouveau régime et à 75% de l’ancien régime, une part qui passera à 50/50 en 2024, puis à 75/25 en 2025 et enfin à 100% en 2026.
Comment est calculée la nouvelle taxe de mise en circulation (TMC) ?
Pour calculer la nouvelle taxe de mise en circulation (TMC) du véhicule, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Il y a notamment la puissance (en kW) qui, dans la formule, est multipliée par trois facteurs : les émissions de CO2, la masse maximale autorisée et la technologie du groupe motopropulseur. Le facteur CO2 est obtenu en divisant les émissions du véhicule par la moyenne du parc automobile belge (nldr : 136 g/km en 2021), un principe qui vaut aussi pour la masse maximale autorisée (1.838 kg en 2021). Pour ce qui touche à la technologie, c’est un autre facteur multiplicateur qui a été déterminé. Il est de 0,26 pour les voitures électriques, de 0,8 pour les voitures hybrides tandis qu’il monte à 1 pour les véhicules thermiques qu’ils soient essence, Diesel ou LPG.
C’est le recours à ces données et en particulier à celle de la masse qui explique par exemple que la taxe de mise en circulation d’une Peugeot 2008 électrique est multipliée par 10 (!) par rapport à celle d’un Renault Captur Diesel (qui, elle, diminue), car le SUV au losange n’affiche « que » 1.877 kg sur la bascule contre 2.030 à la Peugeot électrique. Logique ? Pas vraiment ! Mais au cabinet du ministre Henry, on justifie cette réalité par le fait qu’il faut garder un équilibre entre les facteurs et que, de toute façon, les véhicules électriques semblent émettre beaucoup de particules au freinage. C’est vrai, mais ce n’est probablement pas plus qu’un véhicule thermique tandis que le système de freinage d’une voiture électrique est aussi nettement moins sollicité. Alors quoi ?
Comment est calculée la nouvelle taxe de circulation (TC) ?
Le calcul de la nouvelle taxe de circulation ne diffère pas de celle de la taxe de mise en circulation. En l’occurrence, l’équation est construite sur base des trois mêmes facteurs (CO2, masse maximale autorisée et technologie moteurs). Selon les informations recueillies par le journal L’Écho « le résultat total est divisé par trois et majoré de 50 euros, une somme qui ferait office de prémices d’une vignette automobile à destination des étrangers.
Notons encore que les familles nombreuses pourront bénéficier d’un abattement, car on ne peut leur tenir rigueur du besoin d’un véhicule plus grand, donc plus lourd. Une réduction de 100 euros est donc accordée lorsque la masse maximale autorisée dépasse l’indice moyen de 1.838 kg, mais ne dépasse pas non plus les 2.500 kg. C’est déjà ça, mais, franchement, au regard de l’augmentation des tarifs générée par le passage à cette nouvelle fiscalité, ce sera dans bien des cas aussi très insuffisant. Il est étonnant que le gouvernement n’en rende pas compte. Notons encore que pour les véhicules d’occasion, la taxe de mise en circulation sera aussi dégressive en fonction de l’ancienneté, comme c’était le cas avant. La réduction atteint 10% par an jusqu’à 5 ans et 5% par année supplémentaire jusqu’à 15 ans.
Déjà des réactions
Bien entendu, la présentation de ce projet de réforme fiscale a d’emblée suscité des commentaires. Et ils ne sont pas tendres, car certaines incohérences ne font rien d’autre qu’hypothéquer le verdissement tant attendu du parc automobile. Plusieurs observateurs estiment en effet qu’il y a erreur sur les facteurs et que si un indice de masse doit être pris en considération, c’est le poids en ordre de marché, mais sûrement pas la masse maximale autorisée. Pour Traxio par exemple interrogé par L’Écho, des sportives bien plus émettrices que des SUV passeraient ainsi entre les mailles du filet grâce à leur poids plume…
Plusieurs sources politiques évoquent, elles, le gouffre qui va séparer la Wallonie et la Flandre en matière de fiscalité automobile. Pour ceux-là, les critères retenus ne feront que réhabiliter les anciens Diesel et la Wallonie se retrouvera finalement avec un parc automobile en voie de développement.
Enfin, il y a fort à parier que les grands gagnants soient les sociétés de leasing qui étendront leurs produits plus amplement encore aux particuliers. Et comme celles-ci sont basées à Bruxelles et en Flandre, la fiscalité ne fera rien d’autre que d’échapper à la Wallonie. Assurément, le projet n’est vraiment pas abouti. Il reste (beaucoup) de pain sur la planche !
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