Le phénomène de la concentration des marques dans des groupes automobiles n’est pas récent, loin de là. En Europe, c’est en Grande-Bretagne qu’un monstre industriel est né en 1968. La British Leyland Motor Corporation (ou BLMC) est née de la fusion de British Motor Holdings (MG, Jaguar, Austin Healey, etc.) et de Leyland Motors, un constructeur d’utilitaires qui était également propriétaire des marques automobiles Triumph et Rover. Encouragé par le gouvernement britannique, ce rapprochement avait pour but de sauver British Motor Holdings de la faillite et de renforcer l’industrie automobile du pays.
Du coup, presque tous les constructeurs britanniques ont fusionné faisant de BLMC un gros groupe (le 5e plus gros au niveau mondial) actif sur le marché des voitures, des utilitaires, des camions et des machines industrielles. Pour mettre un peu d’ordre dans ce portefeuille de produits, BLMC a été scindé en 7 divisions regroupant des entreprises actives dans le même secteur. Dans ce genre de mariage, chaque protagoniste n’a pas toujours la place qu’il estime mériter et les dissensions se sont vite crées. A la traîne technologiquement, British Motor Holdings n’avait pas l’intention de renouveler ses modèles datés, ce qui mettait tout le groupe en mauvaise posture face à de grandes marques comme Ford ou Vauxhall. Lord Stokes, grand patron de BLMC, a alors lancé de nouveaux plans qui donné naissance à la conception de modèles comme la Morris Marina ou l’Austin Allegro, censés renforcer les ventes du groupe.

Le début de la fin
Conçus à la hâte et avec des moyens limités, ceux-ci ont connu des succès commerciaux divers tout en ayant comme point commun le fait d’être assez médiocres. Ajoutez à cela d’innombrables actions de grèves à l’initiative des syndicats tout-puissants et une main d’œuvre prête à presque tout pour saboter la production et vous obtenez les pires années de l’industrie automobile britannique. Mal construites, les voitures de British Leyland (le groupe a été rebaptisé en 1975 suite à sa nationalisation partielle par le gouvernement britannique) ont commencé à perdre du terrain sur le marché en raison d’une mauvaise compréhension de la part du public qui a eu du mal à suivre la logique du groupe.
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Trop, c’est trop
Le problème est que les marques étaient beaucoup trop nombreuses que bon nombre d’entre elles sont devenues de simples finitions sur des modèles identiques vendus sous plusieurs appellations. Pire encore, British Leyland a été victime de cannibalisation en interne à cause de voitures trop proches sur le marché, se faisant du coup concurrence entre elles ! Il faut évoquer également l’utilisation d’un très grand de plateformes différentes, ce qui n’a fait qu’augmenter les coûts et diminuer de ce fait la rentabilité du groupe.

Extinctions
Au fur et à mesure des années, le public a commencé à se détourner des produits de British Leyland dont les nombreuses marques ont commencé à disparaître une par une. A la fin des années 80, le géant britannique s’est associé avec Honda pour essayer de retrouver un peu de compétitivité. C’est grâce au constructeur britannique que Rover a pu finalement survivre, avant d’être finalement revendu en 1988. De la période Leyland, seuls Jaguar et Land Rover ont subsisté, alors que les autres marques ont été définitivement enterrées, à l’exception de MG qui a été « ressuscité » plusieurs fois par la suite.
Considéré comme un cas d’école, l’exemple de British Leyland est évidemment à ne pas suivre pour tout groupe automobile qui veut prospérer. Pourtant, on ne peut s’empêcher de tracer un parallèle avec le groupe Stellantis qui connait actuellement de graves difficultés. On peut se demander si, comme British Leyland, le groupe ne dispose d’un trop gros portefeuille de marques dont les produits sont trop semblables avec, à la clé, la multiplication des modèles sur base d’une même plateforme dans le but de limiter au maximum les coûts de développement est une spécialité « maison ».

Perte d’identités
Bien entendu, la pratique du partage des éléments techniques est aujourd’hui une nécessité et elle est largement suivie ailleurs (Volkswagen, BMW, Toyota, etc.). Mais à force, les marques perdent leur identité et tous les aspects qui faisaient jusque-là leur charme, à l’instar de Fiat et d’Alfa Romeo qui ont perdu leur âme typiquement méditerranéenne. « Qui trop embrasse mal étreint » ? Ce proverbe semble s’appliquer plus que jamais à Stellantis dont le management a commis beaucoup d’erreurs ces dernières années. Et cela commence pour les gros problèmes de fiabilité du moteur 1.2 PureTech (connus depuis longtemps) qui ont dégoûté bon nombre de clients. Et s’est poursuivi par le scandale des airbags Takata ainsi qu’avec la fiabilité aussi très moyenne du bloc 1.5 bluehdi. Ensuite, il y a cet acharnement à maintenir des marques en vie qui s’avère peu rentables : c’est le cas de DS qui n’a jamais fait ses preuves sur le marché « premium ». Lors du lancement en 2014 de la marque de luxe, Tavares avait indiqué qu’il faudrait 20 ans pour construire une image. Mais après plus de 10 ans, on ne peut pas dire que DS Automobiles soit très loin question reconnaissance. Le retour de Lancia sur le marché est plus que laborieux, quant à Maserati au bord de la faillite. Son Grancoupé Folgore peine à se trouver un public et ses projets de développement d’une version électrique de la MC20 ont été purement et simplement annulés. Enfin, il y a également eu un problème dans le réseau avec des concessionnaires qui ont été forcés d’adopter un nouveau contrat d’agent, une décision qui n’a fait que ralentir les ventes.

Réorganisation nécessaire
De son côté, Stellantis a réagi en décembre dernier en mettant fin au contrat de son CEO Carlos Tavares dont le salaire était disproportionné et en réorganisant son management. Est-ce que ce sera suffisant ? Pas certain, car le portefeuille de marques s’est récemment enrichi du chinois Leapmotor dont les ventes demeurent pour l’instant relativement confidentielles. Il semble aussi que les plans d’assembler les Leapmotor dans l’usine polonaise de Tichy afin de contourner les taxes sur les importations de véhicules chinois en Europe soient tombé à l’eau.
Le temps de faire des choix stratégiques est venu pour Stellantis qui doit probablement entamer une rationalisation pour se concentrer sur ses produits qui marchent le mieux et la satisfaction de sa clientèle. C’est d’ailleurs ce dernier point qui semble crucial tant les demandes d’intervention de la part de nombreux clients qui ont connu de gros problèmes de fiabilité sont restées vaines. La confiance a été rompue. Stellantis doit changer son fusil d’épaule, sous peine de connaître le même destin funeste que British Leyland, il y a 40 ans…
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