Mobilité

Fin des voitures de société : un effet contre-productif ?

Les voitures de société sont plus que jamais un sujet d’actualité. Les partis verts de notre pays et quelques experts nommés par le gouvernement estiment que le système belge, basé sur la location pour la plupart des cas, doit être revu. Supposons que ce souhait devienne réalité, comment les personnes concernées réagiront-elles ? Et la démarche aura-t-elle l’effet escompté ?

Joris Bosseloo Joris Bosseloo | Publié le 8 juil. 2022 | Temps de lecture : 14 min

Le gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB), Pierre Wunsch, a récemment remis au gouvernement un rapport contenant les propositions imaginées par un groupe d’experts afin « d’augmenter le pouvoir d’achat des citoyens et de maintenir la compétitivité des entreprises ». Parmi les propositions qui figurent dans le document, l’une vise à supprimer (ou à limiter fortement) l’utilisation de la carte de carburant à des fins privées. Selon les experts, cette proposition se justifie, car l’usage sans restriction d’une carte carburant encouragerait la pollution tandis qu’elle représenterait aussi une iniquité sociale par rapport aux autres citoyens, et ce même si elle compte pour une partie de la rémunération ou que les bénéficiaires s’acquittent d’un avantage en nature (ATN). Bien entendu, ceci mérite un débat, mais plus encore la proposition faite dans le rapport intermédiaire de la mi-juin et qui préconisait de réduire drastiquement le nombre de voitures de société sur nos routes.

Abolir complètement le système

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Les partis Groen et Ecolo vont même plus loin. Récemment, ceux-ci se sont exprimés et ont fait part de leur souhait de totalement sortir du système de la voiture de société ou de la voiture salaire qui représente une spécificité belge unique au monde en raison de son niveau déductibilité fiscale. L’idée est d’ailleurs de le faire dans un délai relativement court. Concrètement, Groen et Ecolo proposent qu’à partir de 2026, année pour laquelle il a été décidé que seuls les véhicules 100% électriques seraient totalement déductibles – un pourcentage qui sera toutefois dégressif et atteindra 67,5% en 2031 –, plus aucune voiture de société ne soit concédée dans le package de rémunération des employés. En guise de compensation, la proposition tient dans un effort supplémentaire pour le budget mobilité qui, rappelons-le, n’a toutefois pas trouvé un écho positif qu’auprès de 0,5% d’utilisateurs.

Selon les Verts, les personnes qui disposent actuellement d’une voiture pour aller travailler devraient donc prendre le vélo, la trottinette électrique ou les transports en commun pour rallier leur entreprise ou lieu de travail. Et c’est probablement là que le bât blesse, car ce qui semble échapper à nos représentants, c’est que de nombreux Belges ont en réalité véritablement besoin d’une voiture pour toutes une série de déplacements nécessaires. Logique donc qu’ils ne soient pas enclins à renoncer à ce moyen de transport.

D’une part, pour la commodité et la liberté qu’offre une voiture et, d’autre part, parce que les transports publics de notre pays sont trop peu fréquents, peu fiables (il suffit de penser aux nombreuses grèves) et, last but not least, exigent des temps de déplacement beaucoup plus conséquents. En outre, arriver à destination – ou à une proximité raisonnable – n’est pas garanti parce que le réseau actuel est loin d’être suffisamment développé, surtout pour ceux qui vivent dans les zones rurales.

Si l’on veut encourager les Belges à laisser leur voiture à la maison, il faut d’abord développer des alternatives adéquates. Pour les familles, en particulier, il est indispensable d’avoir au moins une voiture à soi. Compte tenu des prix élevés des biens, des services et du logement (et maintenant certainement à cause de l’inflation), la plupart des chefs de famille n’ont d’autre choix que de travailler à deux pour joindre les deux bouts. Il semble donc que le gouvernement estime que ceux-ci ont du temps à perdre. En outre, les personnes qui travaillent en équipe ou qui doivent aller chercher leur(s) enfant(s) à l’école, à la crèche, etc. n’ont tout simplement pas d’autre choix que de prendre la voiture (une fois encore, compte tenu de l’insuffisance des transports publics). Quant au nombre de voitures par ménage, la Belgique se classe au 13e rang en Europe (avec 1,23), alors que dans notre pays, on compte 511 voitures immatriculées pour 1.000 habitants (ce qui nous place à la 15e place du classement). Certes, cela fait beaucoup de voitures, mais, cela montre aussi que le problème n’est pas uniquement belge comme avancé par certains observateurs ou politiques.

Quelles sont les alternatives aujourd’hui ?

Il y a le vélo électrique qui gagne en popularité, et c’est bien sûr une bonne chose. Mais il subsiste encore trop de routes dangereuses et de carrefours qui ne sont pas suffisamment sécurisés pour assurer de bonnes conditions aux usagers de ce moyen de transport. Certes, le covoiturage pourrait constituer une autre solution, mais il s’agit donc toujours de continuer à utiliser une voiture dont les Verts semblent vouloir absolument se débarrasser. En outre, une telle mise en commun des voitures ne réussira probablement qu’avec une petite partie de la population, notamment parce qu’elle restreint fortement la liberté de mouvement.

En bref, si les politiciens décidaient de supprimer l’utilisation à des fins privées de la voiture de société, il y a de fortes chances que ces automobilistes rachèteraient eux-mêmes une voiture, qui, dans la plupart des cas, sera moins chère et donc plus ancienne et plus polluante. Il est en outre illusoire de penser qu’il n’y aura pas d’effets sur l’économie si on retirait la carte essence aux personnes qui en bénéficient. Car la baisse des kilomètres parcourus concernerait prioritairement les loisirs et les voyages, au détriment du pouvoir d’achat des travailleurs qui œuvrent dans ces secteurs (restauration, loisirs, tourisme, etc.).

En outre, on pourrait se demander aussi ce qu’il adviendra du secteur automobile qui pèse pour 160.000 emplois directs et indirects dans notre pays. En effet, moins de voitures neuves et moins de kilomètres, ce sera aussi un chamboulement pour les concessionnaires qui peinent déjà à joindre les deux bouts, les vendeurs de pneus, d’accessoires, etc. En outre, moins de carburant vendu signifiera aussi un manque à gagner pour l’État qui, rappelons-le, a engrangé 5,4 milliards d’euros d’accises sur l’énergie rien qu’en 2021. On se demande dès lors comment le gouvernement bouchera le trou.

Enfin, sur l’aspect climatique ou de la pollution, il faut relever que les voitures de société sont pour majorité des voitures neuves, c’est-à-dire celles qui polluent et émettent le moins de CO2. Et ce sont aussi celles qui alimentent le marché de l’occasion et qui permettent à toute une catégorie de personnes d’acquérir une voiture plus moderne, plus sûre et moins polluante. Pour aller plus loin, le projet de supprimer également les voitures de société 100% électriques pourrait avoir un effet pernicieux sur la santé publique et l’environnement, car cette position empêcherait la transition vers la voiture électrique qui deviendrait tout simplement impossible eu égard au prix de vente très élevé de ces automobiles et à l’impossibilité de recharger chez soi (car la société intervient généralement dans l’installation d’un système de recharge à domicile).

Il est dès lors impératif de procéder dans un ordre logique et constructif. Et tout l’enjeu réside donc dans l’organisation des alternatives crédibles, dont celle des transports publics qui doivent devenir plus performants et moins chers. Car, comme on peut le constater aujourd’hui, le train par exemple reste plus cher que la voiture. Ce qui est une aberration. Depuis des années, l’État a mis en place le système de la voiture de société au profit des entreprises et pour masquer le degré de taxation sur le travail qui est l’un des plus élevé du monde. La voiture de société a donc permis aux entreprises de pouvoir rester compétitives dans un paysage économique de guerre des talents.

La supprimer nécessiterait donc aussi de réduire ce niveau de taxation sur le travail et aux intéressés de pouvoir disposer d’un surcroît financier substantiel. C’est le minimum. Il y a peu, lors de la présentation de la première ébauche du rapport, Georges-Louis Bouchez (MR) indiquait que si les voitures de société étaient supprimées, il faudrait que les travailleurs concernés puissent récupérer entre 500 et 1000 euros par mois en poche. C’est probablement trop peu compte tenu du prix (qui explose) des automobiles d’aujourd’hui.

Que nous réserve l’avenir ?

On peut adopter le point de vue que l’on peut, mais une chose est certaine : le principe actuel de possession d’une automobile sera de moins en moins populaire. À long terme (pas demain bien sûr, mais un jour), nous louerons tous des voitures, que ce soit pour de courts ou de plus longs trajets. Dans les années à venir, le marché va profondément évoluer, même si la plus grande révolution se fait encore attendre : celle de la voiture autonome. Car une fois que cette forme de transport aura été totalement développée et qu’il sera moins cher de commander un taxi autonome plutôt que de devoir payer soi-même le TCO (coût total de possession), on peut supposer que plus personne ne sera intéressé de détenir une automobile et de la conduire. Avec le renforcement constant des contrôles, les nouveaux plans de circulation alambiqués et la densité du trafic, conduire ne sera plus du tout plus une activité amusante. Seuls les collectionneurs et les passionnés qui prennent le temps (et ont les moyens) d’arpenter occasionnellement les circuits auront encore un intérêt à remplir un garage avec une ou plusieurs automobiles. Les autres en revanche…

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